La vie par défaut de l'homme qui vivait selon les autres
Dans la tête d'un Philopreneur #179
Chaque lundi à 16h30, je vous propose une réflexion, à la croisée de la philosophie et de l’entrepreneuriat, pour vous aider à mener une vie plus intentionnelle, construire votre philosophie de vie et faire partie des hommes et femmes véritablement libres au XXIe siècle.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux abonnés. Vous pouvez en savoir plus sur moi ici ou consulter les anciennes éditions.
Bonjour à tous,
Commençons cette édition par un nouveau moment de gratitude. Nous sommes le 25 juillet 2022. Il y a un an je quittais mon appartement de Nantes et je m’apprêtais à partir en Géorgie pour les débuts de ma vie de nomade.
De plus, j’étais en pleine bataille avec mes ténèbres intérieures, tentant de sortir d’une phase pénible qui aura duré 3-4 mois et qui m’obligea à mettre en pause cette newsletter pendant 5 semaines l’an dernier à la même époque.
Beaucoup de choses se sont passées depuis. J’ai beaucoup appris sur le monde et sur moi-même ces 12 derniers mois. La philosophie a été salvatrice, en commençant par le stoïcisme puis plus largement la philosophie comme manière de vivre et de penser.
Comme je l’ai déjà évoqué, ce sont les crises qui forgent un être humain, elles testent le caractère et façonnent notre personnalité.
Ces dernières semaines, en travaillant sur différents textes - dont ceux du livre en cours. Je me rends compte à quel point ces épreuves me permettent de creuser beaucoup plus profondément le thème de la vie intentionnelle.
Mais aussi d’être un meilleur penseur, un meilleur coach pour mes clients, un meilleur humain, un meilleur ami.
En parlant d’amis, j’étais la semaine dernière à Paris pour quelques jours.
J’en ai profité pour organiser une soirée philopreneurs avec 7 amis dans un lieu inhabituel.
Comme promis lors de la dernière édition. Cet été nous allons explorer ensemble la vie intentionnelle sous différents angles.
Aujourd’hui, je vous présente un essai sur la vie par défaut afin de bien la définir, de comprendre le problème de celle-ci, en quoi elle s’inscrit dans notre époque, les domaines fondamentaux où elle nous impacte et enfin son lien avec la vie intentionnelle.
Au programme de l’édition :
La vie par défaut ou l’histoire de l’homme vivant selon les autres
La vie par défaut de Stéphane
Définition de la vie par défaut
Le paradoxe de notre époque
Les domaines de la vie par défaut / intentionnelle
Le spectre de la vie intentionnelle
Conclusion et questions aux abonnés
La vie par défaut ou l’histoire de l’homme vivant selon les autres
Stéphane est un homme occupé. Sa vie est remplie d’occupations professionnelles, de divertissements, d’obligations et de rendez-vous divers.
Il a 30 ans et travaille depuis quelques années dans une belle boîte parisienne avec un job de cadre bien rémunéré et lui offrant un bon statut social.
Il a la même vie ou presque que la majorité de ses collègues et de ses amis.
Il se réveille environ 45 minutes avant d’aller au travail. Comme chaque matin, après la sonnerie du réveil, il doit se lever malgré la fatigue et se dépêcher pour ne pas arriver en retard.
Il a avoué à un ami qu’il n’aimait pas spécialement son boulot mais qu’il était trop bien payé pour le quitter. De plus, son travail fait la fierté de sa mère.
Concernant le travail en lui-même, les missions de sa fonction ne représentent aucun challenge pour Stéphane, il les répète depuis 3 ans.
Il prépare ses powerpoints sans passion, sans envie, tel Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes. Quand le tertiaire devient la nouvelle usine à aliéner l’homme à peine un siècle plus tard.
Le motto de Stéphane est “je n’ai pas le temps” depuis plusieurs années
C’est ce qu’il dit aux autres ainsi qu’à lui-même dans de nombreuses situations.
La réalité c’est qu’il manque de courage, il vit selon les autres.
Il erre tel un somnambule, devenant chaque année, un peu plus une caricature de lui-même.
Il n’est pas en forme physique mais ne prend pas le temps de faire de sport.
Il n’est pas assez (selon lui) respecté par ses collègues et de moins en moins par ses amis mais il n’a pas/plus le courage de s’affirmer.
Il n’a pas vraiment d’objectifs, de mission personnelle si ce n’est celle de gagner un peu plus d’argent via une augmentation future indéterminée et d’attendre : le weekend, l’achat de telle voiture, les vacances, la retraite …
Souvent, Stéphane se dit fatigué et s’il osait voir la réalité, il emploierait d’autres termes tels que déprimé, vidé, perdu.
Il a 30 ans et il ne se connaît pas vraiment.
La vie manque de sens. Sa vie manque de sens pour être plus précis.
Il survit dans une prison dorée ayant l’apparat du succès.
Il ne connaît pas ses valeurs. Il valorise la même chose que son entourage et ce qui semble être la norme dans “le Paris” qu’il fréquente.
Il se rend compte parfois que ses pensées sont celles que les médias lui ont implicitement demandé d’avoir.
Il oublie vite, penser est exigeant, penser est fatigant et Stéphane est déjà bien trop épuisé par son quotidien dénué de sens.
Comme beaucoup d’hommes de sa génération, il a une tendance individualiste.
Il pense avant tout à lui, éventuellement à sa famille. Il aime dépenser son argent dans des biens de consommation qui vont le rendre heureux quelques jours, heures, minutes en réalité.
Il confond le fait être individualiste et d’être un individu doté d’une personnalité propre. Il jouit de la première casquette mais ne sait plus comment incarner la seconde.
Petit à petit Stéphane perd goût à la vie. Ce manque de sens génère en lui un nihilisme grandissant, envahissant.
Aime ton destin. Souviens de vivre. Rappelle-toi que tu vas mourir.
Autant de préceptes qui dépassent l’entendement de l’homme parfois endormi, parfois effrayé, toujours dorloté dans le confort de sa petite prison invisible.
Il n’a pas de véritables idéaux que ce soit pour lui, sa famille/communauté ou la société.
Il ne sait même plus si sa femme l’aime vraiment et s’il l’aime encore. Mais il est plus simple de ne pas soulever l’interrogation et de continuer à vivre les yeux fermés.
Il n’est pas heureux mais la vie doit-elle apporter le bonheur ? Quel est le sens de la vie ?
Le TGV va bien trop vite pour se poser ces questions existentielles. Il faudrait mettre pause au système ou du moins à son système. Bien trop effrayant encore.
Après tout, il a un bon salaire, il vit à Paris, il est marié, il a des amis, il a des hobbies, il va même avoir un enfant dans quelques mois.
Bref Stéphane semble avoir une vie remplie, de quoi être épanouie, serein, trouver du sens à son quotidien.
Mais Stéphane au fond de lui sait. Il n’est pas épanoui, pas serein, ne trouve de sens à son quotidien et au mieux un bonheur furtif (le plaisir de la dopamine).
Il n’osera peut-être jamais l’avouer mais il vit selon les autres.
Il vit de manière à ne pas déranger, à rester dans les petits clous balisant sa vie.
Il a peur d’aller en profondeur, de poser des questions qui risqueraient de révéler qui il est et ce qu’il pourrait devenir.
Car une fois qu’il saurait que se passerait-il ? Il faudrait se responsabiliser ? Oser ? Prendre le risque d’échouer ? De quitter le confort ? D'être quelqu’un d’autre ?
Il préfère vivre selon les valeurs de son époque, il préfère mettre de côté tout esprit critique par peur de perdre le confort, le statut quo, le cadre qu’il a construit avec ses (non) choix ces 20 dernières années.
Stéphane c’est l’homme que vous ne voulez surtout pas devenir.
C’est l’homme qui vit à 100% ou presque par défaut. (Nous reviendrons plus tard sur cette notion de pourcentage.)
Ce n’est pas tant ce que fait Stéphane qui est dérangeant.
Après tout avoir un emploi, une femme, des petits plaisirs. Rien de mal à cela.
Le problème c’est le chemin qui l’a conduit à avoir cette vie.
Une vie qui n’a jamais été soumise à examen. Une vie dénuée d’intentionnalité.
Stéphane c’est l’archétype de la vie par défaut.
Définition de la vie par défaut
Proposons une définition de “la vie par défaut” pour nous mettre d’accord sur le sens de cette expression.
Je vous propose :
Ensemble des comportements et pensées que l’on va avoir - ou ne pas avoir - qui vont nous faire vivre de manière passive notre vie - ou dans certains domaines fondamentaux/piliers de sa vie
C’est également la somme des influences extérieures (valeurs, déterminismes, culture, biologie…) qui vont nous inciter à avoir certains comportements et pensées.
Pour illustrer cette définition, imaginez une chambre vide qui représenterait votre vie.
Vous laissez ouverte la porte de la chambre et vous partez pendant quelques jours.
Quand vous revenez la chambre est remplie.
Il y a tout ce qui constitue la vie d’un homme ou d’une femme de notre époque : des possessions, des idées, des valeurs, un emploi, une femme/mari, un patrimoine, des responsabilités, des activités etc.
De quoi vivre une vie bien occupée.
Le hic c’est que l’on n’a absolument rien choisi par nous-mêmes.
Il n y a eu aucune intention personnelle aidant à orienter et choisir le contenu de la chambre.
C’est ainsi que nous vivons notre vie en restant dans le mode par défaut.
Socrate l’appelle la vie non examinée.
Thoreau la vie non délibérée.
De Mello la vie somnambule.
J’aime l’appeler vie par défaut car à notre époque il est possible de mener une vie par défaut qui semble active mais qui pour autant est loin d’être une vie intentionnelle/choisie.
Les gens que nous fréquentons ont toujours une vie remplie, une vie dite active.
Mais qui mène vraiment une vie intentionnelle ?
Qui essaye de se poser les questions et de mener les actions permettant d’espérer une vie un peu plus intentionnelle ?
Vous verrez un peu plus bas que la vie par défaut et son pendant de la vie intentionnelle ne sont pas binaires mais se placent sur un spectre.
Le paradoxe de notre époque ?
Nous vivons en Occident à l’époque nous offrant la possibilité de vivre une vie sans équivalent en termes de confort, de soins, d’outils et de technologies, d’accès à la connaissance, en opportunités, en effet de leviers pour générer de la richesse etc.
Un Occidental semble donc avoir tout ce qu’il faut pour vivre une vie riche, libre, authentique, épanouissante, heureuse.
Pourtant, nous n’avons jamais été aussi dépressifs. Nous n’avons jamais atteint un tel degré de nihilisme, de relativisme, d’incertitude et de manque de courage chez les individus.
L’image de la chambre vide présentée au-dessus représente le cœur du problème.
Nous vivons dans “une société de l’inbound”.
Une société qui remplit notre vie (et notre pensée) pour vous et moi.
En effet, un individu qui n’est pas intentionnel ne se retrouvera pas avec une existence vide.
Mais avec une vie qu’il n’aura nullement choisie (dans la mesure du possible) et ce qu’il pensera être une personnalité (la sienne). En fait, ceci sera un rouage faisant tourner un système, dénué de pensée propre, dont le courage sera la dernière des valeurs qu’il invoquera bien après sa mort.
Un peu comme dans le Meilleur des Mondes d’Huxley, nous vivrons une vie confortable mais c’est ce même confort qui nous tue un peu plus chaque jour, nous déresponsabilise et nous éloigne de notre véritable personnalité (ou notre “soi” dirait Jung).
On s’éloigne à chaque vague du rivage de la vie authentique qu’on pourrait mener, de la capacité à être “soi”.
Nos peurs entravent notre capacité d’action, de révolte personnelle.
Nous préférons être malheureux pour se conformer et être accepté par la société.
Adam Smith disait que nous avions plus peur de devenir mendiants que de mourir.
Et concernant notre rapport à l’argent : “Nous dépensons l’argent que nous n’avons pas pour des choses dont nous n’avons pas besoin, pour faire une bonne impression qui ne durera pas, sur des gens dont nous n’avons rien à faire.”
Il faudrait que je développe beaucoup plus cette partie (ce sera le cas dans mon livre notamment).
Mais ma conclusion pour cette partie est que nous vivons à une époque où il n’a jamais été aussi possible de prospérer, d’être libre, de vivre de manière authentique, de générer de la richesse (financière mais aussi relationnelle, intellectuelle, spirituelle etc).
Et dans le même temps, il n’a jamais été aussi difficile d’être un individu doté d’une vraie personnalité. Un homme ou une femme devenant ce qu’il est vraiment.
Puis d’utiliser cette connaissance de soi, cette authenticité pour obtenir ce que notre époque nous permet d’obtenir en vivant une vie intentionnelle.
C’est pour cela que je considère comme important le sujet sur lequel je travaille à savoir : comment aider un individu à s’extraire/s’éloigner d’une vie par défaut et mener une vie intentionnelle.
Les domaines de la vie par défaut / intentionnelle ?
Une vie d’Homme est un ensemble complexe.
De la même manière qu’une entreprise est décomposée en “pôles” (marketing, commercial, technique etc), il faut essayer de cartographier les domaines ou piliers sur lesquels portait son intention.
Voici une liste (non définitive/exhaustive) sur laquelle je travaille actuellement :
la pensée / connaissance
la connaissance de soi
les décisions/choix
La philosophie de vie / mode de vie
le corps / le mental (santé)
le travail / carrière
les finances, l'argent
les relations (amitiés, famille et amour)
la gestion de notre temps
les valeurs
les désirs
les habitudes
Le spectre de la vie intentionnelle
Notre “ami” Stéphane que je présente au début de cet essai est l’archétype de l’homme vivant par défaut.
Il est l’exemple caricatural d’un individu vivant à 100% par défaut dans les domaines fondamentaux de sa vie.
Il faut imaginer cette dichotomie vie par défaut et vie intentionnelle non pas comme des absolus mais comme des états plus ou moins marqués que l’on peut placer sur un spectre.
Tel le spectre de l’introversion et de l’extraversion ou personne n’est à 100% introverti ou extraverti.
Personne ne vit à 100% par défaut ni à 100% de manière intentionnelle.
Mais nous avons tous une tendance “naturelle” que l’on peut analyser soit de manière globale à travers sa vie ou de manière spécifiques selon les domaines de vie.
Nous sommes tous plus ou moins bloqués dans les profondeurs de la vie par défaut dans certains domaines de notre vie.
Personnellement, je travaille actuellement sur des projets personnels pour progresser dans le domaine “relations” ainsi que le domaine “santé” où je considère avoir eu trop de comportements et de pensées par défaut ces dernières années.
L’enjeu est d’en prendre conscience, d’avoir le courage de s’en éloigner pour vivre une vie plus épanouissante dans toutes les dimensions fondamentales de sa vie.
“Conclusion”
Cet essai m’a permis d’exposer et définir le problème, présenter les enjeux ainsi que certaines des raisons et conséquences de la vie par défaut.
Il y a des points que je vais développer ici (et dans mon livre) dans les mois qui viennent.
Je vais également travailler sur des principes et concepts pour vous aider à mener une vie plus intentionnelle.
Il y aura également un travail sur les solutions plus spécifiques concernant les différents domaines fondamentaux.
De plus, je travaille un processus de la vie intentionnelle. Je le vois comme un chemin que nous pouvons tous emprunter malgré les particularités de chacune de nos histoires.
Car évidemment, autant une partie de mes réflexions partent de l’individu et de sa responsabilité (cf mon essai sur le sujet).
Autant une autre partie de la vie intentionnelle concernera l’acceptation d’une partie de notre existence qui ne dépend pas de nous.
Si le Philopreneur est l’individu cherchant à s’extraire d’une existence par défaut pour mener une vie intentionnelle.
Il n’est pas pour autant l’homme des illusions qui pensent pouvoir tout obtenir à la force de sa volonté.
Il aime la vie dans sa totalité.
Il est prêt à accepter ce qu’il ne peut changer et l’aimer, mais il fera preuve du courage nécessaire pour parcourir le chemin de la vie intentionnelle.
Celui de la vie qui vaut la peine d’être vécue.
Amor Fati.
Je m’arrête ici car il faut bien savoir poser “le stylo” pour vous envoyer une édition chaque lundi.
Mais nous allons continuer nos explorations de philopreneurs cherchant à mener une vie intentionnelle.
J’ai deux questions pour vous, avant de vous quitter :
Dans quelle mesure vivez-vous actuellement “selon les autres” sur une échelle de 0 à 10 ? 10 étant égales à : je vis uniquement selon les autres. Pourquoi selon vous ?
Dans quels domaines spécifiquement considérez-vous être bloqués dans (ou tirez vers) un mode par défaut ?
Envoyez-moi vos réponses par mail ou en MP sur Linkedin.
Passez une bonne semaine et à lundi prochain !
JCK from Nancy 🇫🇷
PS : Si l’édition vous a plu, vous pouvez cliquer sur le petit ❤️ juste en dessous du titre de cet e-mail. C’est une autre façon d’encourager mon travail !
Merci pour cette newsletter qui prends le temps de poser le contexte et qui permet de mettre des mots sur une sensation !
Ça permet de mettre du concret dans la réflexion !
Hâte de lundi prochain 🔥