Chaque lundi à 16h30, je vous propose une réflexion (tirée du livre que je suis en train d’écrire) pour vous aider à vous extraire de la vie par défaut et mener une vie plus intentionnelle au XXIe siècle.
Et devenir ce que j’appelle un Philopreneur.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux abonnés. Vous pouvez consulter toutes les précédentes éditions ici.
Bonjour à tous,
Avant de commencer l’édition, voici quelques nouvelles et informations que je souhaitais vous communiquer :
Les newsletters actuelles sont relativement longues (4000-5000 mots en moyenne). La raison : j’y publie des premiers jets des chapitres de mon futur livre. Il me reste 3 éditions/chapitres à vous partager. Je sais que c’est conséquent et inhabituel pour des newsletters - je m’en excuse mais prenez-les comme des articles/essais à lire avec plus d’attention.
Nous repartirons début 2023 sur des essais/articles hebdomadaires de 1000 à 3000 mots sur des sujets liées à la vie intentionnelle et de nouvelles thématiques que je vais explorer avec vous l’an prochain.
Pas d’épisode du podcast cette semaine - j’ai eu quelques soucis techniques au montage et n’ayant pas pris le temps de le régler, je reprends la diffusion d’épisode lundi prochain. De plus, je suis en train de réfléchir à consacrer une newsletter à part entière pour mettre en avant ce podcast - les jeudis ou vendredis par exemple. Je vous tiendrai informé en décembre.
Je serai à Paris du 19 au 23 novembre - je suis en train de voir pour organiser une “soirée Philopreneurs” avec ceux d’entre vous qui seront sur Paris le mercredi 21 décembre. J’ouvrirai les inscriptions semaine pro mais contactez-moi dès maintenant par mail ou via Linkedin si vous êtes intéressé (vous serez en liste prioritaire comme cela).
Je n’en ai pas du tout parlé ici cette année mais je suis toujours coach “business et de vie“ pour CEO de startup et solopreneurs. J’ai actuellement pas mal de demandes pour travailler avec moi à partir de janvier. Je vais me limiter à 8 accompagnements. Si l’idée vous tente de m’avoir à vos côtés en 2023 pendant 3 à 12 mois pour vous aider et vous challenger sur votre business et votre vie personnelle, prenez rendez-vous ici et on en discute en décembre.
Voilà pour les informations que j’avais envie de vous communiquer.
Passons maintenant à l’édition de la semaine. Je vous présente aujourd’hui la deuxième partie du principe #7 du Philopreneur : Cultiver son jardin d’Epicure et laisser un héritage.
Au programme du jour :
La vie avec et pour les autres du Philopreneur
Apprendre à mourir et à faire de la mort un moteur existentiel
Le retour à une vie avec et pour les autres : famille, amitié, communauté
Construire ou rejoindre une scenius
Faites don de votre savoir et transmettez un héritage
Conclusion suivie du plan d’actions et de réflexions
La vie avec et pour les autres du Philopreneur
Il y a des rencontres qui sont tels des coups de foudres — la bonne personne rencontrée au bon moment.
Mais parfois, le timing n’est pas le bon.
C’est ce qu’il m’est arrivé en 2009 lorsque, passant mon épreuve orale du bac de français, je fus interrogé sur Michel de Montaigne et ses Essais écrits au XVIe siècle.
Après avoir raté cette épreuve, j’ai conservé pendant des années un rapport négatif avec ce philosophe français.
Jusqu’à ma découverte des biographies de Stefan Zweig — un de mes auteurs favoris.
Parmi celles-ci, une courte biographie de Montaigne, écrite lorsque l’auteur juif autrichien était en exil au Brésil, obligé de s’échapper d’Europe sous le joug nazi.
Cette biographie fut son dernier livre, écrit quelques mois avant son suicide. Il était un moyen de se rappeler que même dans périodes sombres la lumière pouvait émerger, ne serait-ce que d’un seul homme.
C’est ce que Montaigne fut pour Zweig et beaucoup d’autres depuis l’écriture de Ses Essais il y a près de 500 ans.
Montaigne est le symbole de la liberté sous toutes ses formes. Il est celui qui décida de se retirer des affaires publiques, anticipant la mort, pour se consacrer à l’étude de soi. Faisant de sa vie intérieure, un sujet d’étude.
Montaigne est l’homme qui a vécu tout ce que ce que je souhaite véhiculer avec ce principe #7.
Son amitié avec Etienne de La Boétie (auteur du si important Discours de la servitude volontaire) est une des plus célèbres de la littérature française. Une relation entre deux êtres, semblant frôler la connexion divine.
Son voyage en Italie, partant de la Gironde à cheval, quittant son confortable château pour affronter les innombrables dangers de son siècle : la peste, la guerre entre les protestants et les catholiques, la famine.
Ce voyage auquel l’auteur Gaspard Koenig à rendu hommage en le reproduisant puis en y consacrant un livre : Notre vagabonde liberté.
Montaigne, en bon étudiant des philosophes antiques, de Platon, aux stoïciens en passant par les sceptiques avait fait sienne cette idée du philosophe aux larges épaules : “Philosopher c’est apprendre à mourir”.
En effet, pour Montaigne, la sagesse ne s’acquiert qu’à travers notre capacité à faire de la mort un non-événement ou plutôt à l’utiliser comme un moteur de vie.
C’est ce qui permet d’atteindre un état de tranquillité que n’auraient pas renié Epicure et son ataraxie.
Me concernant, cela me rend serein de savoir que j’aurai toujours près de moi une copie physique ou digitale des Essais de Montaigne.
Un penseur auquel je me sens connecté, un homme qui m’apprend à mourir et donc surtout à mieux vivre.
Apprendre à mourir et à faire de la mort un moteur existentiel
Le mythe du héros de Joseph Campbell est un des concepts les plus utilisés dès lors qu’il s’agit d’écrire une histoire de transformation, que ce soit les livres ou les films.
Le héros quitte sa situation initiale, qu’il peut apprécier ou non, souvent confortable, parfois détestable.
Il va effectuer un voyage. Durant son périple, une partie de lui doit mourir ou être abandonnée pour qu’il puisse renaître et surmonter les obstacles qui se présentent à lui.)
Enfin, il devra revenir au point de départ, pour transmettre ce que le voyage lui a appris.
Ce schéma existe depuis le premier “livre” occidental : l’Odyssée d’Homère avec le retour d’Ulysse à Itaque.
Ce qui nous intéresse ici est le retour du héros avec les trois composantes clés que sont :
l’évolution de son rapport à la mort pendant son voyage puis à son retour
l’envie de retourner vivre avec et pour les autres
la transmission et l’héritage qu’il se doit d’offrir à ses contemporains et aux générations suivantes.
Nous sommes tous confrontés à ce voyage du héros. Il en existe une infinité.
N’ayant chacun le droit de ne vivre qu’une seule fois, nous n’avons pas toujours le recul ou le courage nécessaire d’aller affronter nos peurs et d’oser faire face aux obstacles qui seront pourtant nos plus grands enseignants.
Comme nous l’avons plus un peu plus tôt, la mort en est la raison principale.
Comme le dit l’explorateur Mike Horn, il existe deux attitudes face à la vie.
La première attitude est celle de la “vie longue”. Nous allons prendre des décisions nous invitant à optimiser la durée de notre existence. Ce qui veut dire moins de risque, moins d’expériences nouvelles, une vie éloignée de la corniche.
C’est la vie que vont choisir la majorité d’entre nous dès lors que la mort devient taboue et que la survie devient la priorité dans l’existence telle que nous l’avons vu durant la pandémie du covid 19.
Mais il existe une deuxième attitude, celle de la vie large. Elle est un concentré d’intensité et de densité. Ce sont les personnes qui semblent faire un usage différent du temps qui leur est alloué. Ils semblent capables de vivre plusieurs vies en une seule. Ce type d’existence nécessite courage, volonté et un certain anticonformisme. C’est une vie où vous frôler la corniche, la mort n’est pas loin. Mais la survie devient vie.
C’est ce qui est arrivé à Montaigne, il décida tout d’abord de se retirer dans son château vers la fin de sa trentaine, pensant que la mort était proche (ce qui n’était pas faux statistiquement au XVIe siècle). Après une vie publique et politique riche, il voulait se consacrer à la vie de l’esprit et entrepris donc d’écrire Ses Essais.
Or, près de 10 ans plus tard, la mort n’étant pas venue le chercher. Il décida de partir à l’aventure en partant vers l’Italie. Le philosophe ayant la sensation d’être vu offrir des années de vie “bonus”.
Son étude des sages et philosophes tel Epicure l’aidèrent à accepter l’idée de la mort qui l’effrayait dans sa jeunesse si confortable.
La peur de la mort est un obstacle à la vie.
À défaut de pouvoir annihiler complètement cette peur, faisons de celle-ci un moteur nous invitant à vivre pleinement une vie qui sera à la fois courte (à l’échelle de l’Histoire de notre espèce ou de l’Univers) et longue lorsqu’on est en capacité de ne pas la perdre dans des futilités ou à l’emprisonner à cause de nos peurs.
La peur de la mort est aussi intimement liée aux regrets que nous avons concernant notre vie.
Soit nous avons peur d’être passés à côté de notre existence et nous avons peur de mourir avant d’avoir “trouvé” ce que nous étions censés faire.
Ou nous mettons la mort à une telle distance que nous finissons par l’oublier et à vivre comme des enfants gâtés qui se croient éternels. Avec l’idée en tête que la vie nous offrira toujours des jours, mois, années supplémentaires.
Il est intéressant d’observer à cet égard, les principaux regrets des personnes mourantes.
Dans son livre The top five regrets of the dying paru en 2011, Bronnie Ware a décellé 5 réponses qui reviennent reguliérement chez les milliers de personnes qu’elle a pu interroger au cours de sa vie.
Les 5 plus grands regrets sont :
avoir le courage de vivre la vie que l’on voulait plutôt que la vie que les autres attendaient de nous
avoir travaillé trop dur
ne pas avoir eu le courage d’exprimer ses sentiments
ne pas être resté en contact (ou passer assez de temps) avec ses amis proches
ne pas s’être autorisé à être plus heureux
Avec les principes de la vie intentionnelle, nous en sommes en mesure de réduire la part du premier regret. Passant d’une vie vécue selon les autres à une vie vécue selon nos critères puis avec les autres.
Le principe sur la compréhension des jeux de la vie doit nous permettre de ne pas avoir à travailler trop dur ainsi qu’à transformer des “loisirs” en “travail rémunéré”.
Mais selon moi les 3 derniers regrets sont reliés au besoin de connexions profondes avec autrui.
La vie avec et pour les autres doit nous permettre d’avoir le courage d’exprimer nos sentiments.
De passer du temps de qualité (mais aussi en quantité) avec les gens qui comptent le plus pour nous.
Et in fine c’est qui ce qui permet de nous rendre plus heureux comme l’explique le psychiatre Robert Waldinger dans une conférence Ted vue plus de 40 millions de fois (Qu'est-ce qui fait une vie réussie ? Leçons de la plus longue étude sur le bonheur)
Le fait d'avoir des relations sociales est meilleur pour notre santé et notre bien-être et, inversement, la solitude tue. Deuxièmement, le fait d'avoir des relations étroites de qualité supérieure est plus important pour notre bien-être que le nombre de relations. Troisièmement, avoir de bonnes relations n'est pas seulement bon pour notre corps mais aussi pour notre cerveau.
Pour conclure ce passage sur la mort, je suis obligé de revenir aux stoïciens et à la locution latine “Memento Mori” signifiant “Souviens toi que tu vas mourir”.
Je n’ai rien trouvé de plus puissant à ce jour, pour conserver la mort à une distance idoine pour m’aider à sortir de mon lit chaque matin et avancer sur les projets qui comptent le plus pour moi, afin de vivre une vie significative selon mes critères.
Enfin, je garde en tête l’idée si épicurienne de vivre pleinement de sorte de quitter la vie “repu”.
Comme si nous étions allés nous restaurer dans un buffet à volonté.
Nous avons mangé le nécessaire, nous sommes rassasiés. Nous pouvons quitter le buffer, repu et heureux.
Puis laisser aux autres de quoi se nourrir pour l’être à leur tour.
Pour qu’à la fin, lors de notre dernier souffle, nous ne soyons pas effrayés par la mort tel Ivan Ilitch mais que nous puissions comme le philosophe Immanuel Kant dire sereinement “ce fut assez”.
Mais pour être en mesure de partir avec ce niveau de sérénité, essayons de notre vivant de batir le plus beau des jardins.
Jardin dans laquelle nous pourrons organiser les plus beaux festins, créer les plus beaux souvenirs de notre existence, avec le suc de la vie : les liens que l’on forge avec les êtres humains.
Il est temps de parler de l’amitié et des racines profondes que l’on peut créer à travers elle.
L’amitié est le bien le plus précieux que nous ayons.
Pouvoir naviguer dans l’incertitude de la vie avec des personnes qui nous sont chères donne à lui seul un sens à une existence pouvant parfois en être dénuée.
Je ne compte plus le nombre de journées où je broyais du noir, incapable d’avancer comme je le souhaitais sur un projet ou ruminant en boucle des pensées négatives.
Mon salut est presque toujours venu d’une discussion avec un ami. La discussion et l’amitié sont des thérapies à consommer sans modération.
J’ai parfois le sentiment que tout que j’entreprends est motivé par cette joie que me procurent les relations.
Que ce soient avec mes amis existants, les personnes que je rencontre grâce à mes projets, les femmes que j’ai côtoyés ou bien sur ma famille.
C’est paradoxalement ce qui m’a poussé à partir vivre à l’étranger et à expérimenter la vie de nomade pendant l’écriture de ce livre.
En 2021, j’ai senti le besoin de partir pour mieux revenir. Je souhaitais poursuivre mon entreprise de connaissance de moi-même.
Afin de devenir une meilleure personne, un homme plus fiable et plus complet pour les personnes qui comptent déjà pour moi et celles qui compteront dans le futur.
Avant de partir, j’étais au beau milieu d’un épisode de vie difficile où je ne me sentais plus aligné avec ce que je faisais et qui j’étais. De plus, je sentais le besoin de repenser mon environnement et de construire de nouveaux cercles d’amis.
Avec le travail introspectif (notamment celui du principe #1), j’ai pu prendre conscience de la superficialité de nombreuses relations que j’ai pu avoir dans ma vingtaine.
J’avais de nombreuses connaissances mais très peu de vrais amis. Du moins, je ne vivais pas avec eux le type d’amitié que je qualifierai aujourd’hui d’une “amitié authentique”.
Je gardais dans un coin de ma tête les mots de Sénèque dans ses Lettres à Lucillius où le philosophe romain conseille à son ami d’être lent pour offrir son amitié mais d’être sans retenu dans sa relation avec ses amis, leur offrant et partageant tout ce qui doit être.
C’est tout l’inverse de notre époque qui prône les amitiés (ou les relations) superficielles et nombreuses.
Ceci diluant la profondeur et l’authenticité que nous pouvons consacrer aux seules amitiés comptant vraiment.
Juste avant mes 30 ans, j’ai publié un article dans lequel je recensais 30 leçons que la vie a pu m’apprendre. Voici la leçon numéro 19 qui corrobore mon propos.
Les relations sincères et profondes se construisent dans la vulnérabilité. Ce que je cherche maintenant c’est de pouvoir avoir des conversations vulnérables et authentiques avec mes amis, ma famille et si possible avec mes nouvelles connaissances. Il n’y a rien de mieux pour créer un lien puissant entre deux êtres.
L’amitié est aussi un rempart contre l’hyper individualisme qui fait tant de mal aux individus et au bien commun. Comme nous l’avons vu précédemment avec David Brooks et sa “deuxième montagne”.
L’amitié est un moyen d’affronter la vie avec courage et sérénité. Lorsque l’on sait que l’on peut compter sur des amitiés solides, pouvant résister à toutes les tempêtes, il devient fort plus aisé de partir à l’aventure et d’oser mener une existence totale.
Ce passage représente bien la pensée de David Brooks :
Nous avons besoin d’articuler une foi qui place en son centre la relation et non pas l’individu, et qui énonce clairement les vérités connues de tous : nous sommes formés par les relations, nous sommes nourris par les relations et nous avons soif de relations. La vie n’est pas un voyage solitaire. C’est bâtir une maison ensemble.
La vie n’est pas un voyage solitaire. Pourtant nous la vivons tel quelle au 21ème siècle.
Certes, nous naissons seules et mourrons seules. Or ce qui compte dans une existence n’est ni la naissance, ni la mort, toutes deux hors de notre contrôle. Mais plutôt ce que nous allons y vivre et y faire entre ces deux moments naturels.
Une vie bonne doit être composée d’amitiés solides.
Il faut leur laisser une place importante dans nos quotidiens si occupés par des futilités et des postures.
N’ayons pas le temps pour le scroll zombiesque sur les réseaux sociaux, ni pour les relations superficielles.
Revenons à ce qui fait l’unanimité de la philosophie greco-romaine à la science moderne : l’amitié comme aliment à consommer sans modération pour une existence heureuse.
Ne finissons pas comme Christopher MCcandless (héros de Into The Wild) qui a conclu son périple solitaire en écrivant dans son carnet :
Le bonheur n'est réel que lorsqu'il est partagé.
Avoir un groupe d’amis ou une communauté restreinte partageant des valeurs ou des centres d’intérêt fut le secret de nombreux grands penseurs, artistes et entrepreneurs à travers les époques.
Voyons comment nous pouvons construire ce que Brian Eno appelle une scenius.
Construire ou rejoindre une scenius
En 1727, un jeune homme de 21 ans arrive à Philadelphie. Il est ambitieux et cherche rapidement à rencontrer d’autres personnes partageant ce même désir d’amélioration de soi et de connaissance.
Ce jeune homme est Benjamin Franklin.
Il créa le Junto Club (inspiré du mot espagnol Junta signifiant assemblée) qui dans sa première version était composé de 12 membres.
Le groupe se réunissait chaque vendredi soir. Les soirées étaient organisées autour d'une série de questions conçues par Franklin, couvrant un éventail de sujets intellectuels, personnels, professionnels et communautaires.
Voici comment Benjamin Franklin présentait le Junto Club dans son autobiographie
*Un club d'amélioration mutuelle, que nous appelions le Junto ; nous nous réunissions le vendredi soir. Les règles que j'avais établies exigeaient que chaque membre, à son tour, produise une ou plusieurs questions sur n'importe quel point de morale, de politique ou de philosophie naturelle, pour être discutées par la compagnie ; et une fois tous les trois mois, produise et lise un essai de son propre cru, sur n'importe quel sujet qu'il voulait.
Le Junto Club fut une brique importante dans la construction intellectuelle de Benjamin Franklin — qui deviendra plus tard un des pères fondateurs de l’Amérique.
Quand on s’intéresse à la biographie de grands personnages, on se rend compte que nombre d’entre eux avaient une pratique similaire.
Rare sont ceux n’ayant pas bénéficié d’un groupe les ayant aidé directement ou indirectement à produire une œuvre qu’elle soit artistique, intellectuelle ou entrepreneuriale.
Parmi les exemples, il y a le Dry Club de John Locke qui a inspiré celui le Junto Club de Franklin.
La bande à Kerouac, l’auteur de Sur la Route, composé notamment d’Allen Ginsberg et Gregory Corso, formant la Beat Generation.
Les jeunes poètes viennois de la fin du 19e d’où émergea Von Honfmenstall et Zweig.
Mais aussi les transcendantalistes à Concord au 19eme également avec en chef de file Emerson et Thoreau.
Le musicien et producteur Brian Eno a inventé un terme pour caractériser ces regroupements d’individus : les scenius.
Il faut démystifier l’idée du génie solitaire qui produirait une œuvre du haut de sa tour d’ivoire.
C’est une idée qu’à reprise l’auteur Austin Kleon dans son livre “Show your work” :
Il existe une façon plus saine de concevoir la créativité, que le musicien Brian Eno appelle le "scénius". Selon ce modèle, les grandes idées naissent souvent d'un groupe d'individus créatifs - artistes, penseurs, théoriciens et autres faiseurs de goût - qui constituent une "écologie du talent".
Si vous regardez de près l'histoire, vous verrez que beaucoup de personnes que nous considérons comme des génies solitaires faisaient en fait partie de "toute une scène de personnes qui se soutenaient mutuellement, regardaient le travail des autres, se copiaient les unes les autres", se piquaient leurs idées et contribuaient aux idées de chacun.
La Scenius n'enlève rien aux réalisations de ces grands individus : il reconnaît simplement que le bon travail n'est pas créé dans le vide, et que la créativité est toujours, dans un certain sens, une collaboration, le résultat d'un esprit connecté à d'autres esprits.
La scenius est un écosystème que l’on devrait tous essayer de se créer.
C’est un des moyens les plus intéressants de se développer intellectuellement, personnellement et professionnellement.
J’ai la chance d’avoir involontairement créé ou rejoint plusieurs scenius depuis mon adolescence.
Lorsque j’ai commencé à joueur au poker en ligne en 2007, j’ai très vite eu envie de m’impliquer sérieusement dans ce jeu.
Pour cela, j’ai cherché des ressources en lignes, puis très rapidement, j’ai découvert les forums. Ces forums étaient des écosystèmes de joueurs avec des motivations différentes mais qui avaient le poker en commun.
Pour aller plus loin, j’ai fini par rejoindre un groupe de joueurs qui avait un blog collectif dans lequel chaque membre partagé les situations difficiles qu’il avait eues à gérer pendant leurs parties.
Ainsi qu’un discussion en ligne sur laquelle nous échangions chaque jour.
Après 2 ans sur ce groupe, la majorité d’entre nous étaient capables de vivre du poker.
C’est durant cette période que j’ai pris conscience de la force du groupe - sans être au fait de cette idée de scenius.
Depuis, j’ai reproduit ce schéma dans toutes les activités importantes de ma vie : entrepreneuriat, création de contenu, sport, philosophie.
David Perell, un créateur de contenu américain, considère que nous devrions tous chercher à créer notre “club des 10”.
Objectif pour vos 20 ans : Trouvez votre "Club des 10". Votre club des 10 est un groupe de 10 personnes avec lesquelles vous souhaitez travailler plus tard dans votre vie. Elles doivent être gentilles, ambitieuses et généreuses. Voyagez ensemble, rencontrez leurs familles et assistez à leurs mariages. Apprenez à les connaître. C'est très précieux.
Comme nous l’avons vu précédemment, nous souffrons tous d’une inflation du nombre de connaissances que nous avons, qui finit par impacter le temps que l’on passe avec nos véritables amis.
Avoir son club des 10 doit être un objectif pour quiconque veut pouvoir grandir, s’élever et partager son chemin avec des personnes lui correspondant.
Et il est nécessaire de faire passer ces personnes (et ce groupe) en priorité lorsque nous avons la chance de le trouver.
De nos jours, il est possible de créer des scenius en partant du web.
Vous aurez bien plus de chances de trouver les bonnes personnes qu’en vous limitant à votre lieu de résidence.
Néanmoins, les amitiés et un groupe solide se forgent via la rencontre dans le monde physique. L’interaction digitale n’est pas égale à l’interaction physique.
De plus, j’aime l’idée de séparer (et parfois de réunir) ma vie en deux dimensions.
Une première dimension locale où je me concentre sur les personnes et les activités que je peux faire dans mon lieu de vie du moment.
Une deuxième dimension globale où j’interagis avec des personnes du monde entier, je crée du contenu sur Internet et j’ai la possiblité d’avoir un impact à une échelle importante.
Je reprends cette idée de mon “mentor en ligne” Derek Sivers qui nous invite à avoir conscience de ces deux modes et à les activer selon les envies et besoins du moment.
Pour poursuivre sur cette idée de localité.
J’aimerais revenir sur l’importance de l’ancrage et de l’engagement. Que ce soit envers un lieu géographique, une famille, un art, une quête.
Ma phase de vie de nomade ayant accompagné l’écriture de ce livre. J’ai pu constater à quel point il était fondamental de penser “au retour”.
Par retour, j’entends la manière d’aborder la vie post-nomadisme.
Une des réflexions majeure concerne l’importance de trouver un lieu sur lequel je vais pouvoir construire la base de mes projets futurs : qu’ils soient professionnels ou personnels.
Je vois ce livre comme un moyen de créer un mouvement autour d’une philosophie de vie - celle de la vie intentionnelle à notre époque.
Mais pour que les idées puissent dépasser le cadre du livre. Il faut être en mesure de créer des espaces d’échanges, des lieux de rassemblement.
Je rêve de pouvoir proposer un univers Philopreneur mêlant globalité et présence en ligne avec ce qui pourrait s’appeler Philopreneur Academie.
Mais aussi un versant physique et local avec un espace (type tiers lieu) où nous pourrions organiser des conférences, des workshops, des diners etc.
J’ai été personnellement marqué par l’univers de The Family, cet ovni de l’entrepreneuriat français dans les années 2010. Je pense que la philosophie intentionnelle et le Philopreneur pourraient gagner à avoir un lieu similaire.
Bâtir un lieu, une communauté et une famille, produire des idées, vivre avec ses amis et des personnes partageants sa vision.
Telle est la mission que nous pouvons nous allouer.
C’est ce qui guidera et donnera du sens à notre dernière quête avant de fermer le rideau.
La construction et la transmission d’un héritage.
Faites don de votre savoir et transmettez un héritage
Dans l’Apologie de Socrate, Platon nous permet de revivre le procès de Socrate.
Ce dernier est jugé, d’avoir corrompu la jeunesse.
Socrate qui se défend lui-même, démontre par son argumentaire en quoi cette idée est fallacieuse et qu’au contraire il devrait être remercié par Athènes et ses citoyens d’avoir passé tant d’années à aider les jeunes à se poser des questions.
Socrate sera finalement jugé coupable et condamné à mort.
Avant sa peine de mort, on lui proposa de s’échapper ou de revenir sur ses paroles pour être “gracié”. Mais Socrate refusa pour deux raisons :
Il savait que la justice était parfois injuste mais il la respectait et préféré un monde où celle-ci existait parmi les hommes. Il ne voulait donc pas de traitement de faveur. Si les Athéniens se sont trompés dans leur verdict, cela leur causera plus de tort qu’à lui.
Il voulait rester cohérent entre sa pensée et sa vie jusqu’à son dernier souffle. S’il s’était enfui, il aurait certes survécu, mais tout son héritage philosophique se serait envolé. Il ne voulait pas faire cela à ses enfants et aux jeunes athéniens. L’acceptation de sa condamnation et sa mort furent un exemple et la dernière brique de l’héritage que Socrate nous a légué.
Socrate a passé sa vie en faisant littéralement don de son savoir (et de son non-savoir) et a laissé un héritage qui marqua à jamais la philosophie — et notre culture occidentale.
Ce principe #7 est celui du “retour” du héros que nous sommes devenus en menant une vie intentionnelle. Or, le héros n’est pas un superhéros mais un protecteur quand on reprend son étymologie grecque.
Nous n’emporterons rien avec nous dans notre tombe donc autant profiter de ce retour à la vie avec les autres pour (re)donner, transmettre, partager.
Au cours de votre vie, en appliquant les principes de la vie intentionnelle, vous aurez à coup sûr de l’abondance provenant de différentes richesses possibles : argent, connaissance, réseau, possessions etc.
Rappelez-vous, la vie est constituée de jeux.
Notre but est de jouer à des jeux à sommes positives.
Votre abondance et vos richesses sont de l’énergie. Quand vous donnez à autrui, vous ne perdez pas quelque chose.
Vous y gagnez au moins autant que celui qui reçoit.
Cela a d’ailleurs été prouvé scientifiquement que le don désintéressé augmente considérablement le bien-être.
De plus, si vous sortez d’une vision égo-centré est passé à une visio mondo-centrique, vous allez considérez que tout est connecté sur Terre (et même dans l’Univers).
En donnant, vous recevrez d’une manière ou d’une autre.
C’est ce que Jay Sheety appelle le cercle de l’amour. Celui-ci permet de réduire notre tendance d’épicier dès lors qu’il s’agit de faire les comptes de nos actions quotidiennes auprès des autres.
Si vous constituez votre cercle d’amis proches ainsi que votre scenius, vous serez heureux de les côtoyer au quotidien.
Vous aurez une vie relationnelle riche. Votre attention sera moins diluée entre les outils technologies et les fausses amitiés.
La vie avançant, vous allez pouvoir prendre la posture du “sage”.
De celui qui a combattu les dragons de la vie. Essayez de devenir le sage que vous auriez aimé rencontré dans votre jeunesse.
Mais comme les moines tibétains, soyez aussi bien capable d’apprendre du plus jeune moine que du Dalai lama.
Dans le roman Demian de l’auteur allemand Hermann Hesse, dans les deux premiers tiers du roman, le jeune Sinclair voit sa manière de voir le monde transformer en observant et dialoguant avec le mystérieux Demian qui lui semble avoir des pouvoirs mystiques.
Il va - sans s’en rendre compte - devenir lui-même une sorte de “Demian” et laisser paraître la même force magnétique à ses amis étudiants dans la dernière partie du livre.
La raison est le parcours initiatique qu’à suivi Sinclair au contact d’un être à part. Il
Entourez-vous de ces êtres à part, vous en deviendrez un.
Dès lors, ce sera à vous d’être l’inspirateur des prochaines générations.
Comme disait Gandi : “soyons le changement que nous voulons voir dans le monde”.
N’oublions pas que la vie intentionnelle est une philosophie (de vie). Elle part de l’individu mais elle ne peut se limiter qu’à lui seul.
Vous n’en seriez que malheureux et incomplet.
Il est fondamental de construire (ou de rejoindre) votre propre jardin d’Epicure.
Ce qui compte n’est pas de vouloir absolument faire de grands projets ou de changer le monde.
C’est d’avoir un impact positif, de trouver dans quel domaine de vie vous souhaitez évoluer.
Puis d’être ambitieux à partir de vos propres critères ( et en créant votre propre jeu).
Et peut-être qu’un jour, la magnitude de votre impact fera que vous allez dépasser le cadre de la scenius, de celui du jardin d’Epicure et que vous allez pouvoir avoir un impact sur “la cité” ou l’univers.
Si le Philopreneur est une philosophie de l’existence.
Son chemin peut l’amener à faire de la “politique” ou plutôt de la méta politique.
Par l’exemple vous aurez une influence sur vos concitoyens.
Par vos idées vous pourrez peut-être influencer les jeux de la vie.
Par vos projets, vos actions et votre pensée vous allez pouvoir façonner le monde dans lequel vous souhaitez vivre.
Ainsi que le monde que vous souhaitez laisser derrière vous.
Ainsi vous aurez fait tout cela pour vivre avec et pour les autres.
Conclusion
Ce principe #7 est sans doute le plus important de ce livre.
Il est celui qui fait sortir la vie intentionnelle d’un paradigme développement personnel autocentré.
Vous ne travaillez pas sur vous-même uniquement pour vous.
Vous le faites pour vos proches, pour votre communauté, pour notre civilisation ainsi que pour nos ascendants et descendants.
Peu importe votre réussite sociale, si vous êtes seul, votre vie sera fade et tel Ivan Ilitch vous aurez un sentiment d’échec aux portes du royaume d’Hades.
Bâtissez votre jardin d’Epicure.
Rejoignez une scenius.
Choisissez avec soins vos amis et consacrez-leur, le temps et l’attention qu’ils méritent.
Soyez un être fiable sur qui votre communauté peut compter.
Puis laissez au monde un héritage — que ce soit une idée, une œuvre, des valeurs, un mode de vie, des enfants.
Voici les éléments à retenir de cette seconde partie du principe #7 :
Apprendre à vivre commence par apprendre à mourir en mettant cette dernière à la bonne distance au quotidien.
Les 5 regrets des personnes mourantes qui reviennent le plus sont :
Ne pas avoir eu le courage de vivre sa propre vie.
Avoir travaillé trop dur.
Ne pas avoir su exprimer ses sentiments
Ne pas avoir vu assez ses amis proches
Ne pas s’être autorisé à être heureux
L’amitié et les relations humaines sont le suc de l’existence - il faut sortir de la vision hyper-individualiste qui nous le fait trop souvent oublier.
Construire votre scenius (ou vos scenius) est un pas de géant vers une vie épanouissante et significative. L’environnement dans lequel vous évoluez sera le vecteur principal de la réalisation (ou non réalisation) de vos projets.
Ne pas transmettre son savoir et sa sagesse est une perte sèche pour vous et pour l’humanité. Votre voyage personnel doit servir vos proches, votre communauté et le monde.
Plan d’action
Réflexions
Quel est votre rapport actuel avec la mort ? Comment pourriez-vous faire de votre finitude un moteur existentiel ?
Quels seraient vos regrets si vous appreniez que vous allez mourir dans 3 mois ? Que pouvez-vous faire pour éviter d’avoir ces regrets le jour où il sera trop tard ?
Qu’est-ce que vous aimeriez transmettre à vos proches ? À votre communauté ? Au monde ?
Quelle est la contribution locale que vous aimeriez proposer ? La contribution globale ?
Actions
Qui sont vos 5 à 10 amis les plus proches actuellement ? Faites en une liste
Passez-vous suffisamment de temps (de qualité) avec eux ?
À quoi pourrait ressembler votre scenius ? Quelle serait la raison d’être de celle-ci ?
Qui aimeriez-vous avoir dans votre “club des 10” ?
Contactez 3 à 10 personnes pour leur partager votre idée/vision et organiser une première rencontre dans les semaines à venir.
Je m’arrête ici pour cette semaine.
Nous verrons la semaine prochaine le principe #4 : Devenir responsable et antifragile.
Partagez-moi votre avis sur l’édition par mail (en répondant à celui-ci).
Pour me suivre (et échanger) entre les éditions, ajoutez-moi sur Instagram (je publie beaucoup de story en ce moment).
Passez une bonne semaine et à lundi prochain !
JCK from Budapest 🇭🇺
Magnifique cette édition. C'est tellement important de rappeler que les relations sont le socle de notre existence. Dans une société hyper individualiste, il est temps de (re)construire des relations profondes, qui nourrissent et qui nous tirent vers le haut.
Merci pour cette très belle édition.