Chaque lundi à 16h30, je vous propose des réflexions à l’intersection de l’entrepreneuriat et de la philosophie. Le but étant de se poser des questions, et apporter quelques pistes de réponses, pour mieux vivre, penser et travailler à notre époque.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux abonnés. Vous pouvez en savoir plus sur moi ici et consulter les anciennes éditions.
Bonjour à tous,
Toujours en direct d’Istanbul ! Pour ceux qui connaissent, je suis passé hier du côté asiatique, à Kadiköy.
Ces dernières semaines furent celles d’une remise en question.
Comment gérer certaines tensions internes, dualités que l’on peut ressentir dans nos vies.
Par exemple :
Entre la passion (eros) et l’amour/amitié (philia) dans les relations amoureuses
Entre l’envie de vivre une vie mesurée, sereine et celle de vivre avec intensité et éclat.
Entre l’envie d’exploiter et d’explorer
Etc…
Pour développer cette problématique qui nous concerne tous. J’ai choisi de vous parler de mon rapport à la création de contenu sur les réseaux sociaux.
J’y analyse les tensions que ce sujet génère en moi et les conflits identitaires que j’ai tenté de décortiquer.
Comme souvent, vous me connaissez si vous êtes un lecteur régulier de cette newsletter, je pars de mon cas personnel. Que j’analyse pour en extraire des réflexions et leçons de vie plus universelles.
Et donc au programme de la semaine :
L’essai de la semaine : De l’importance de se confronter au réel
Le bon plan du Philopreneur : une série de vidéos de mon philosophe contemporain favori
Le coaching Philopreneur avec votre lot d’actions et de réflexions pour repartir avec du concret !
De l'importance de se confronter au réel
Il y a deux semaines j’ai décidé de revenir sur les réseaux sociaux, plus précisément sur Linkedin.
Contrairement aux fois précédentes, j’ai décidé de prendre avec sérieux ce retour sur la plateforme. C’est-à-dire, d’essayer de comprendre ses mécanismes. Puis de voir comment je peux les adapter à ma personnalité et aux sujets que je souhaite traiter.
Le but de cet essai n’est pas de vous faire une analyse technique de mes premières semaines.
L’intention est d’écrire (et donc de réfléchir) sur les raisons qui m’écartent régulièrement des réseaux sociaux. Plus largement, de différentes formes de “vie publique” qu’elles soient online ou physique.
Analyser une tension interne entre désir de s’extraire de “la société” et besoin/envie d’en faire partie.
Remise en contexte
Il y a un an, j’étais en train de clôturer l’aventure Longue Vue que j’avais initialement lancée avec mon Valentin Decker en 2020 puis repris en solo pendant le premier semestre 2021.
Au même moment, j’étais en train de vivre des moments difficiles, avec une santé mentale qui partait en lambeau sans que je m’en aperçoive.
Burn-out ? Dépression ? Déprime passagère ? Je ne saurai vous dire exactement, n’ayant pas consulté à l’époque.
Comme je l’ai déjà ici, la philosophie fut salvatrice, comme elle l’avait déjà été plusieurs fois dans mon passé.
Depuis ce printemps 2021, j’essaye au maximum de faire passer ma santé mentale (et physique) en premier dans mon quotidien.
Tout d’abord, pour prévenir et limiter ce genre de moments. Aussi, pour me permettre d’avoir de meilleures conditions pour penser et travailler sur mes projets. Il est impossible de travailler correctement avec un cerveau et un corps qui ne suivent pas.
Je ne le sais que trop bien de par mon passé personnel et celui de mon entourage.
C’est donc dans ce contexte que j’ai décidé de dédier une bonne partie de mon temps à l’étude et la pratique de la philosophie l’an dernier.
Autre élément de mise en contexte : le type de format de contenus que je produis.
Je me rends compte que même dans ma production de contenu et quand bien même je suis suivi par plusieurs milliers de personnes, j’ai tendance (malgré moi) parfois à créer de la distance avec mon audience.
On peut le voir avec le choix des mediums (newsletter ou Youtube) qui sont “asynchrones” avec une certaine distance entre le moment de création et les réactions de l’audience.
Qui plus est, la newsletter est un format peu propice aux interactions contrairement aux médias sociaux tels que Linkedin.
Ce constat me fait dire, que j’ai eu consciemment ou inconsciemment eu envie de me protéger ces derniers mois (et je dirai même ces dernières années). C’est comme si j’avais essayé de mettre à distance le réel.
Revenons sur cette notion de réel. Le réel pour moi ici n’est pas la “réalité” au sens philosophique. Je parle de la sphère/vie publique, de l’agora moderne que sont nos réseaux et médias sociaux.
Chaque époque a sa réalité. La nôtre est constituée notamment des réseaux sociaux, de la fragmentation de notre attention, du besoin et de l’envie de consommer des contenus denses et plutôt courts. Ma génération a été élevée dans la société du fast-food. Nous sommes maintenant dans celle du “snack content”
Je ne peux pas m’empêcher d’ajouter une pointe cynique en écrivant le paragraphe précédent et c’est bien la toute la problématique que je pose (et dont je suis l’objet dans cette réflexion.)
Comment se positionner dans le réel de son époque quand on n’y adhère pas pleinement ?
La bataille interne : Aller contre ou épouser son époque ?
Je suis le genre de mec qui a toutes les qualités pour ne pas être adapté à son époque :
Je fais partie des romantico-naifs qui se disent toujours “C’était mieux avant”, comme les personnages de Woody Allen dans Midnight in Paris
J’ai une tendance rebelle qui me fait toujours remettre en cause ou passer à la moulinette (et parfois la mitraillette intellectuelle) les structures et pensées dominantes. Exemple d’une anecdote : je me suis fait virer du catéchisme à 10 ans pour avoir remis en cause la parole du prêtre devant tout le monde …
J’ai du mal avec les règles. J’ai tendance à vouloir jouer à un jeu de ma manière plutôt que de suivre - bêtement ou intelligemment, la frontière étant plus proche qu’on le croit - les bonnes façons de jouer et gagner à un jeu.
Et même quand j’arrive enfin à “gagner” dans un jeu. Je m’ennuie juste après et j’en cherche un nouveau. Je fus notamment mon pire ennemi lorsque j’étais joueur de poker. Préférant changer de formats une fois en avoir maîtrisé un plutôt que d’essayer d’exploiter ce que j’avais compris et acquis.
Un bon parti que je fais n’est ce pas mesdames ?
Mon thérapeute va avoir un peu de travail et la philosophie ne me sera pas jamais de trop !
J’écris cela avec un peu d’humour mais le fond est vrai.
C’est en comprenant ces caractéristiques que j’arrive un peu mieux à saisir ce qui m’éloigne parfois du business, des réseaux sociaux, de certains types d’événements etc.
En fervent admirateur du plus grand des grands, je parle de Michel de Montaigne.
J’essaye de philosopher - et donc de penser - sur la vie en partant de moi-même.
Une fois que l’on a dressé le portrait, ou une partie de celui, nous n’en avons pas pour autant fini avec la problématique formulée plus tôt : Comment se positionner dans le réel de son époque quand on n’y adhère pas pleinement ?
Comme toujours n’espérons pas de réponses définitives mais seulement des pistes, faisant office de phares dans le brouillard de nos existences, et surtout de nouvelles questions sur lesquelles plancher.
Philosopher avec et contre soi-même
Commençons par le romantico-naif. Si vous avez vu Midnight in Paris vous le savez. Tous les artistes - et nombre d’entre nous - se disent “c’était mieux avant”.
Mais c’est une erreur, car si chaque génération pense ainsi. Quelle est l’époque qui valait vraiment le coup ?
C’est ne pas accepter la réalité du présent tel qui peut l’être. Amor Fati nous disait Nieztsche. Aimons notre destin dans sa totalité.
Ne sombrons pas dans le fantasme d’un passé qui n’a jamais existé telle que nous le le croyons. Ou encore, dans la fuite en avant d’un futur utopiste. Nous n’avons que le présent.
C’est vouloir comme Platon, vivre dans un monde idéal, celui des idées.
Vouloir s’extraire de la réalité sensible. Celle où la beauté est toujours entachée par de la saleté. Mais les deux vont de pair. C’est ce qu’on appelle la vie.
Il faut tuer le romantico-naif. Du moins, l’empêcher de prendre le contrôle de notre vie.
Ensuite occupons de la tendance rebelle, à vouloir aller à contre-courant, ne pas accepter certaines règles.
Ceci présente quelques avantages comme :
La capacité à penser plus librement
Etre moins influencé par les autres dans ses choix
Avoir l’énergie de se lancer dans de grandes aventures entrepreneuriales ou intellectuelles
Attirer des personnes qui nous ressemblent ou aimeraient nous ressembler.
Mais le risque, c’est de devenir une caricature de soi-même. Avoir une pensée dissidente pour en avoir une, est-ce encore penser librement ?
Lions cette attitude rebelle avec celle du refus de jouer selon les règles et de vouloir trop souvent les réinventer.
Un exemple concret
Prenons l’exemple de Linkedin.
L’an dernier, j’ai passé un mois avec des créateurs de contenu à Batoumi en Géorgie dont Ulysse Lubin et Thibaut Louis qui sont des “killers du game” cumulant des millions de vues par mois.
Clairement ils ont compris les rouages et ils exécutent une stratégie parfaite aussi bien dans le fond que la forme.
Quand j’ai vu ça l’an dernier, j’étais partagé entre l’envie de faire comme eux et le désir d’essayer de réussir sur cette plateforme sans suivre les règles ou les stratégies qui fonctionnent pour eux.
C’est là qu’on touche aux limites de “l’anti-conformisme”.
Les mécanismes régissant une société, que ce soit le fonctionnement d’un état ou les bonnes pratiques de Linkedin existent pour une raison.
Un peu comme la théorie de l’évolution de Darwin.
Les meilleurs systèmes subsistent, les autres disparaissent. Exemple du communisme soviétique qui n’a pas prouvé sa capacité à remplacer le capitalisme.
Pour ce qui est du contenu, chaque créateur fait des propositions au monde. Les meilleures propositions restent, les moins pertinentes meurent.
Je pourrai dire la même chose des philosophies de vie, mais nous en reparlerons plus tard cette année.
Ici, on peut encore faire preuve de cynisme en questionnant la notion de “meilleur”. Est-ce que l’on parle du contenu le plus utile ? Le plus intelligent ? Le plus captivant ?
Celui que les gens veulent lire ? Ou celui qu’ils devraient lire ?
Ce sont ces questionnements qui m’ont souvent éloigné de l’agora des réseaux sociaux.
Mais depuis quelques semaines je me rends compte que j’y perds plus que je n’y gagne à ne pas les exploiter :
Je ne récolte pas assez de retours sur mes idées / concepts pour mon livre
La newsletter n’est pas un médium qui génère beaucoup d’interaction
Je suis m’éloigne de la réalité de mon époque en me plaçant en “ermite digital”
Je ne profite pas des leviers à ma disposition pour essayer de diffuser un message différent de ce qu’on peut voir sur ces mêmes réseaux
Alors, est-ce que la tension interne et les questionnements ont disparu ? Non.
Mais il est temps de ravaler son ego, de faire preuve de courage et d’aller dans l’arène du réel.
Les tensions internes sont des excellents indicateurs. Il faut les analyser, les passer au scalpel.
Parfois ils nous mènent à ce que les philosophes anciens appellent des apories (on pourrait traduire cela par impasse).
C’est la que la philosophie commence vraiment. C’est quand on creuse, on questionne. On dialogue avec soi-même ou encore mieux avec les autres.
Le but n’est pas de trouver LA réponse. C’est d’y voir un peu clair chaque jour. D’oser découvrir ce se cache derrière cette tension.
Dans mon cas, il y avait de la peur (et une vie de me protéger suite à mes péripéties de 2021), de l’ego mal placé et du flou sur la façon dont je voulais insérer ou non les médias sociaux dans mon quotidien.
J’espère que cette réflexion vous inspirera, à faire un exercice similaire de votre côté.
Je vous partage un peu plus bas des réflexions et actions pour creuser le sujet.
Un peu d’auto-promo tout de même : venez me suivre sur Linkedin pour recevoir et interagir avec mes publications.
Le bon plan du Philopreneur
Je vous présente chaque semaine une ressource pour vous aider à mieux penser, vivre et travailler à notre époque.
André Comte-Sponville - Le bonheur au travail
Merci à Ulysse Lubin de m’avoir fait découvrir cette série de vidéos sur le bonheur au travail de mon philosophe français contemporain favori.
Dans cette série de vidéos courtes (correspondant à une conférence d’environ 1h), André Comte Sponville aborde avec beaucoup de pédagogie et d’éloquence géniale des thèmes qui nous concernent tous.
C’est le prof qu’on aurait tous aimé avoir au lycée !
Le bonheur au travail, le sens qu’on peut lui donner, les liens avec l’amour, la motivation.
Pour cela, il nous présente de manière claire et accessible les idées de certains philosophes du “bonheur” tels que Spinoza, Platon, Schopenhaueur.
Ne me remerciez pas maintenant, voyez déjà au moins une vidéo puis venez me dire ce que vous en avez pensé.
Le coaching Philopreneur
Chaque semaine, je vous propose pour finir quelques réflexions et actions en liens avec certains des sujets abordés dans l’édition.
Réflexions :
Quelle est la tension interne qui vous préoccupe le plus dans votre vie ces derniers mois ou années ?
Quelle est la source de cette tension ?
Que pourriez-vous faire pour mieux la vivre ? → Ecrire sur le sujet, trouver les zones d’ombre, les comprendre, les accepter, les dissocier de votre personnalité.
Qu’est-ce que vous feriez si cette tension n’existait plus ?
Actions :
Lister les tensions internes que vous pourriez avoir
Travailler sur celle qui vous préoccupe le plus
Faire un plan d’action : écrire pour comprendre, agir pour faire évoluer
Lancer la première action cette semaine.
Venir réagir à mes propos sur Linkedin cette semaine :)
On s’arrête ici pour cette édition.
Comme chaque semaine, je vous encourage à me dire ce que vous en avez pensé.
Vous pouvez m’écrire en répondant directement à ce mail, à jeancharleskurdali@gmail.com ou sur Linkedin si vous préférez.
C’est toujours un plaisir de vous lire et d’entamer ainsi des correspondances et parfois des amitiés.
Passez une bonne semaine.
JCK from Istanbul 🇹🇷
Hello Jean-Charles.
Première fois que je lis ta newsletter et je découvre que nous vivons la même problématique : comment se positionner dans le réel de son époque quand on n'y adhère pas ?
J'ai décidé de me faire accompagner par une psychothérapeute pour justement avancer et ne pas rester un "hermite" (comme tu dis) avec mes contenus.
Bref.
Ton édition se retrouvera dans les "ressources vitaminées" de ma newsletter.
See you 👋🏼