Cultiver son jardin d'Epicure et laisser un héritage - Principe #7 du Philopreneur
Dans la tête d'un Philopreneur #197
Chaque lundi à 16h30, je vous propose une réflexion (tirée du livre que je suis en train d’écrire) pour vous aider à vous extraire de la vie par défaut et mener une vie plus intentionnelle au XXIe siècle.
Et devenir ce que j’appelle un Philopreneur.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux abonnés. Vous pouvez consulter toutes les précédentes éditions ici.
Bonjour à tous,
Depuis 4 mois, je publie chaque semaine un chapitre (ou une partie d’un chapitre) de mon livre.
Nous arrivons au terme de ce cycle qui prendra fin dans 4 semaines.
En effet, il me reste 2 principes à vous présenter :
Principe #7 : Cultiver son jardin d'Epicure et laisser un héritage
Principe #4 : Développer sa responsabilité et son antifragilité
La vie étant bien faite, l’édition finale de ce cycle qui sera publiée le lundi 19 décembre coïncide avec mon retour en France ainsi que l’édition #200 de cette newsletter.
Soyez vigilant, je vous prépare un petit quelque chose pour l’occasion !
Étant un homme surprenant - du moins je l’espère - je vais commencer par vous présenter le principe #7 aujourd’hui et la semaine prochaine.
Nous finirons par le principe #4 qui m’avait posé quelques difficultés en octobre.
Au programme du jour :
Le jardin d’Epicure
Pourquoi la mort n’est rien pour Epicure ?
Stéphane, le soliste effrayé par la mort qui en oublie de vivre
La peur de la mort
L’éthos individualiste
Le glissement idéologique produit par le digital
La fin des héritages et conclusion
Vous l’aurez compris, on retourne dans la “Stéphane life” pour cette première partie.
C’est le principe qui m’a le plus touché pendant que je l’écrivais.
Les thèmes que j’y aborde sont très importants pour moi : l’amitié, l’héritage, le rapport à la mort, la vie manquée…
Installez-vous confortablement, prenez de quoi prendre des notes, c’est parti !
Cultiver son jardin d'Epicure et laisser un héritage
Nous entamons le septième et dernier principe du Philopreneur.
Après s’être extrait d’une vie vécue par défaut et selon les autres.
Puis de s’être construit une individualité et autonomie.
Il est temps de soigner l’étape la plus importante de notre existence : notre existence avec et pour les autres.
Nous allons voir que cette phase - qui en réalité peut se conjuguer avec la phase de construction du “soi” - est basé sur des notions comme l’amitié, le partage, la transmission et le rapport à la mortalité.
Je n’ai pas eu à me creuser les méninges pendant des heures pour trouver le représentant idéal de ce principe.
Épicure, le fondateur de l’école épicurienne, va être notre guide pour conclure en beauté ces principes du Philopreneur et de la vie intentionnelle.
Épicure (-342 à-270) est un philosophe grec qui a vécu à Athènes.
Il créa en -306, l’épicurisme qui s’est rapidement imposé comme une école de philosophies les plus importantes de l’antiquité grecque - puis durant l’Empire Romain.
Il développa une physique matérialiste considérant que tout était atomes (y compris l’âme humaine) et que ceux-ci se déplaçaient de manière spontanée.
Cette vision spontanée et libre s’oppose à la vision déterministe des stoïciens.
Eux pensaient que nous avions tous un destin, ainsi que responsabilité de trouver le rôle que nous devions jouer dans le grand Tout, puis la nécessité de l’assumer.
Cette différence entre ces deux écoles qui furent rivales est fondamentale. En effet, à partir de cette conception “physique” du monde et de l’univers découle toute une philosophie logique et morale aussi bien chez les stoïciens que chez les épicuriens.
Pour Epicure, si tout est atomes, il n’y a pas de métaphysique, ce qui veut dire que “les dieux” sont aussi atomes et matières.
Il n’y a donc nul besoin de vivre avec la peur de mal agir et de fâcher une divinité.
Épicure ayant vécu à une période de grand trouble, il développa une philosophie devant “à coup sûr” nous ouvrir les chemins de la paix et de la sérénité.
C’est ce qu’il appelait l’ataraxie qui est un état d’absence de trouble et d’inquiétude.
Pierre Hadot écrit sur la différence entre ce que l’on pourrait appeler la détente épicurienne et la tension stoïcienne :
Pour guérir l’âme, il faut, non pas comme le veulent les stoïciens, l’exercer à se tendre, mais au contraire l’exercer à se détendre. Au lieu de se représenter les maux à l’avance, pour se préparer à les subir, il faut au contraire détacher notre pensée de la vision des choses douloureuses et fixer nos regards sur les plaisirs. Il faut faire revivre le souvenir des plaisirs du passé et jouir des plaisirs du présent, en reconnaissant combien ces plaisirs du présent sont grands et agréables.
Bref aparté concernant le plaisir. Au sens épicurien originel, le plaisir n’est pas synonyme d’excès et de débauche incontrôlée.
Il est dans le choix d’une pensée et d’un mode de vie basé sur la recherche de ce qui fait du bien au corps et à l’âme.
Le plaisir est relié à nos désirs selon la majorité des penseurs de l’antiquité.
Épicure distingue les désirs en 3 catégories :
Les désirs naturels et nécessaires : ce sont les désirs nécessaires à la survie (satisfaction des besoins vitaux) ou au bonheur (la suppression de la douleur, la philosophie, l'amitié) ;
Les désirs naturels mais non nécessaires : ce sont les désirs qui ne sont nécessaires ni à la survie ni au bonheur (le désir sexuel ou les satisfactions esthétiques) ;
Les désirs sans fondement : ce sont les désirs qui ne sont appropriés à notre nature qu'en apparence (les honneurs, la richesse).
On est loin de l’épicurisme au sens moderne qui extrapole cette idée de plaisir, la faisant passer pour une quête insatiable de plaisir et de jouissance immodérés.
Alors que l’épicurien “sérieux” va plutôt chercher son bonheur à travers la sérénité, la frugalité, la modération et nous allons le voir maintenant, l’amitié.
Le jardin d’Epicure
Faisons un voyage remontant le temps.
Nous sommes au IVe siècle av. J.C à Athènes.
Nous marchons tranquillement jusqu’à l’agora, cette fameuse place où avaient lieu les marchés mais aussi un lieu de discussion, de rencontres.
C’était le lieu qu’utilisaient les différentes écoles de philosophie pour partager leurs idées au plus grand nombre.
Ce fut le lieu de prédilection de Socrate lorsqu’il essayait de convaincre la jeunesse de préférer la vertu et la sagesse aux affres du pouvoir et de la luxure.
Près de l’agora, vous auriez pu apercevoir, les stoïciens philosophant sous leur portique.
Les académiciens de Platon dans leur gymnase, mêlant activités physiques, études philosophiques et cours de rhétorique.
Les lycéens d’Aristote étudiant tout ce qui peut nous aider à mieux comprendre le monde et la nature humaine.
Ainsi que les différentes écoles mineures de l’époque - il y en avait des dizaines.
Mais vous n’auriez pas trouvé les épicuriens à l’agora. Eux préféraient vivre en périphérie d’Athènes.
Épicure, avec l’aide d’autres membres de son école, avait acheté une maison au nord d’Athènes. Avec ce bien, il pouvait proposer aux épicuriens d’étudier et de vivre ensemble selon les principes de la doctrine épicurienne.
L’amitié était le bien le plus précieux selon le philosophe athénien.
Voici un extrait de l’article, L’amitié épicurienne, écrit par le philosophe français Marcel Conche :
Il semble bien que, selon Épicure, l’amitié ne puisse exister qu’entre des sages, lesquels, ensemble, vivent « continuellement dans la joie » (Diogène Laërce X, 118) et dans une parfaite égalité, puisque « aucun sage n’est plus sage qu’un autre » (DL X, 121b). Lorsque Épicure nous dit que « de tous les biens que la sagesse (σοφία) procure pour la félicité de la vie tout entière, celui de l’amitié (φιλία) est de beaucoup le plus grand » (Maxime capitale XXVII), il semble bien exclure que l’amitié puisse advenir par une autre voie que celle de la sagesse.
Nous reviendrons plus tard sur ces notions de l’amitié et de la communauté qui sont centrales dans ce principe #7.
Mais constatons déjà le lien entre sagesse et amitié. La vraie amitié est le fruit d’un travail sur soi au préalable.
J’en suis convaincu et c’est ce que j’ai essayé de démontrer à travers le chemin de la vie intentionnelle dont j’ai essayé de poser les bases et les principes avec ce livre.
La connexion avec autrui, la véritable amitié est le grand cadeau de l’existence.
Mais elle ne peut s’obtenir sans avoir fait ce voyage du héros/Philopreneur qui nous a fait quitter temporairement l’influence d’autrui (et les amitiés superficielles), pour prendre le temps de se construire et de reconsidérer ce que peut être une véritable amitié.
C’est ce que j’ai personnellement essayé de faire à travers ma phase de vie nomade.
M’éloigner et m’extraire d’une vie par défaut à travers cette période initiatique m’a permis de reconsidérer ma vie, mes valeurs ainsi que le mode de vie que j’ai envie d’avoir à mon retour en France.
Or, j’ai très vite compris que je souhaitais cultiver un mode de vie où l’amitié prendrait une grande importance à travers le développement d’une (ou de plusieurs communautés). Nous y reviendrons.
Dernier point que j’aimerais abordé concernant Epicure : son rapport à la mort.
La mort n’est rien pour Epicure
Oui, vous avez bien lu ce titre. Ce qui effraye le plus les êtres humains n’a pas de sens pour Epicure.
Souvenez-vous, le but de la philosophie épicurienne est d’atteindre l’absence de troubles (ataraxia).
La mort étant clairement fauteuse de trouble, il fallait s’atteler à réduire son importance.
L’âme étant matière pour Epicure, nous n’avons pas à imaginer un paradis ou un enfer après la mort.
Épicure argumente avec l’idée de non-rencontre :
Si la mort est là, c’est que je ne suis plus là, il m’est donc impossible de la rencontrer. La sagesse consiste donc à acquérir de la distance à l’égard de l’idée de la mort. Car si l’homme est occupé à penser à la mort, il ne peut être heureux.
Voici un extrait de la Lettre à Ménécée, un des rares (nombreux) textes d’Epicure qui a été retrouvé intact qui exprime sa vision de ce qu’est la mort pour l’homme.
Prends l'habitude de penser que la mort n'est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensibilité. Par conséquent, la connaissance de cette vérité que la mort n'est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle, non pas en y ajoutant la perspective d'une durée infinie, mais en nous enlevant le désir de l'immortalité.
Car il ne reste plus rien à redouter dans la vie, pour qui a vraiment compris que hors de la vie il n'y a rien de redoutable. On prononce donc de vaines paroles quand on soutient que la mort est à craindre non pas parce qu'elle sera douloureuse étant réalisée, mais parce qu'à est douloureux de l'attendre. Ce serait en effet une crainte vaine et sans objet que celle qui serait produite par l'attente d'une chose qui ne cause aucun trouble par sa présence.
Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d'horreur, la mort, n'est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n'existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus.
Mais la multitude tantôt fuit la mort comme le pire des maux, tantôt l'appelle comme le terme des maux de la vie. Le sage, au contraire, ne fait pas fi de la vie et il n'a pas peur non plus de ne plus vivre : car la vie ne lui est pas à charge, et il n'estime pas non plus qu'il y ait le moindre mal à ne plus vivre.
C’est certainement un des textes les plus importants à lire et relire pour changer notre rapport à la mort, et nous allons le voir, à la vie puisque les deux étant inextricablement liés.
Maintenant que nous avons posé cette base théorique et philosophique.
Revenons sur le principe en lui-même.
Cultiver son jardin d’Epicure et laisser un héritage
J’ai essayé de vivre ma vie de sorte qu’au jour de ma mort, je ressente de la joie plutôt que de la peur — Pilecki
Lors de ma lecture du livre Tout est foutu de Mark Manson, j’ai été marqué par cette citation ainsi que l’histoire de celui ayant prononcé ces mots.
Witold Pilecki est un héros de guerre. Officier de cavalerie, agent de renseignement et chef de la résistance polonaise durant la seconde guerre mondiale.
Cet homme s’est porté volontaire pour participer à une opération de résistance polonaise qui consista à être emprisonnée dans le camp de concentration d'Auschwitz afin de recueillir des renseignements puis de s’y échapper.
Il organisa un mouvement de résistance dans le camp de concentration puis planifia plusieurs tentatives d’évasion. Il parvint à s’échapper d’Auswitz en 1943, plus de deux ans après s’y être rendu volontairement.
Pilecki qui resta toute sa vie fidèle aux mots cités au-dessus, continua à servir sa patrie après la seconde guerre mondiale. Il se fera arrêter par la police de Staline et sera exécuté suite à un “procès” en 1948.
L’histoire de ce héros ne fut révélée qu’en 1989, les informations étaient masquées par le régime communiste polonais.
Nous ne saurons être aussi héroïques que Pilecki, mais nous allons faire en sorte d’utiliser notre rapport à la mort comme un moteur.
Ce moteur va nous aider à mieux vivre, à prendre conscience de ce qui est vraiment important dans l’existence humaine et à concentrer notre attention sur ces éléments.
Nous allons faire de la mort un outil de la vie intentionnelle.
Si nous revenons au pourquoi nous souhaitons mener une vie intentionnelle. Je vous ai proposé un triptyque dans la première partie de ce livre.
Nous souhaitons mener une vie intentionnelle dans l’optique de trouver plus de sens, de liberté et de sérénité.
Il se trouve qu’au-delà de la mort. Ce qui permet de ressentir ces trois émotions sont les liens que l’on construit avec autrui, en vivant avec et pour un une communauté.
Ainsi que notre “œuvre” qu’elle soit matérielle ou immatérielle que nous allons laisser au monde.
(J’utilise les termes d’émotions car ces éléments sont relativement liés à votre subjectivité et donc à votre perception)
Ce principe #7 s’articule donc autour de :
La mort comme moteur d’une bonne vie nous offrant plus de sérénité
La communauté et l’amitié comme source de bien-être de bonheur
La transmission, le don (de soi) et l’héritage qui se matérialisent sous la forme de ce que vous allez laisser à votre communauté, procurant du sens à votre vie.
C’est aussi le principe qui s’extrait d’une pensée individualiste et tend vers ce que David Brooks auteur de La Deuxième Montagne appelle le relationnalisme.
Vous allez voir que les bénéfices de ce principe sont nombreux :
Apprendre à mourir pour apprendre à mieux vivre
Sortir de son individualisme
Ne pas sombrer dans une idéologie ou dans le tribalisme
Utiliser les leviers modernes pour construire (ou trouver) sa communauté
Cultiver des amitiés profondes, authentiques et durables
Construire votre scenius pour réaliser vos plus grands projets
Apprendre à donner sans attente et ainsi plus recevoir
Générer de l’abondance et être heureux de la transmettre
Mais comme pour chacun des principes précédents, pour être en mesure d’utiliser intentionnellement ce principe et d’obtenir ces bénéfices, il faut déjà comprendre ce qui nous empêche d’y parvenir.
Quel est notre rapport par défaut à ce principe #7 ?
Stéphane, le soliste effrayé par la mort qui en oublie de vivre
La mort d’Ivan Ilitch
Ivan Ilitch est le personnage principal du roman de Leon Tolstoï : La mort d’Ivan Ilitch.
Le titre ne laisse pas de doute sur le sujet central du roman : nous allons rentrer dans la tête d’un homme qui se rend compte qu’il va mourir prochainement.
Ivan Ilitch est un magistrat russe d’une quarantaine d’années vivant au XIXe siècle.
Si vous aviez rencontré ce personnage, vous auriez sans doute pensé qu’il était heureux et que sa vie était enviable.
Une bonne situation financière, un statut social enviable, une magnifique femme, des enfants en bonne santé, un grand appartement etc.
Jusqu’au jour où une chute paraissant anodine va le conduire tout droit vers une mort lente et douloureuse.
Le personnage va subir une longue agonie physique et psychologique.
Tout au long du roman, il va rentrer en introspection et examiner son existence, sentant la mort arrivée.
Le constat n’est ni rassurant, ni joyeux. Ivan Ilitch se rend compte qu’il a passé sa vie à vivre et faire des choix selon les autres.
Il s’est marié à sa femme pour monter dans la hiérarchie sociale, pensant ainsi impressionner ses supérieurs.
Il n’a jamais pris conscience de la mort avant que celle-ci ne vienne toquet à sa porte. Il a vécu tel un immortel qui pensait que la mort était l’affaire des autres. Une chose abstraite et lointaine.
Il a passé sa vie piégée dans une “rat race” du 19eme siècle.
En se remémorant sa vie, il se rend compte que ses jours les plus heureux furent ceux de son enfance et adolescence. La suite ne fut qu’une succession de quêtes matérielles et statutaires.
Même lorsqu’il finissait par apprécier sa situation : dans son travail, un lieu de vie, un groupe d’amis. L’augmentation constante de son niveau de vie et de ses besoins l’obligeait à toujours chercher plus d’argent.
Ivan Ilitch ne s’est jamais arrêté de courir dans la roue qu’il s’était construit.
Enfin, il va prendre conscience dans son agonie finale, qu’il est passé à côté du cadeau le plus précieux de la vie : le lien que l’on peut créer avec autrui.
Il avait beau avoir une famille, il vivait comme un étranger avec eux, de même avec ses collègues et toute autre personne le côtoyant.
Il fut un soliste, un individualiste qui s’est plus employé à vivre selon autrui - ou cherchant à utiliser les autres - plutôt qu’à créer du lien avec eux.
Une des citations qui m’a le plus touché dans ce roman exprime le désarroi d’un homme qui au crépuscule de sa vie, effrayé par sa mort imminente se demande :
Qu’arrivera-t-il si toute ma vie, ma vie consciente, n’a pas été ce qu’elle devait être ?
Ivan Ilitch est un excellent exemple d’un homme qui a vécu une vie par défaut.
À ce stade du livre, vous l’avez certainement déjà compris mais je le précise si nécessaire.
La vie par défaut n’est pas tant une question du “quoi” mais plutôt du “pourquoi” et du “comment”.
Une vie intentionnelle n’est pas synonyme d’une existence grandiloquente ou impressionnante de l’extérieur.
Elle est une vie riche, sereine, libre.
Une vie basée sur votre capacité à penser votre vie et vivre selon votre pensée.
Nous allons maintenant voir ce qui influence notre tendance à mener une vie ressemblant à celle d’Ivan Ilitch.
Pour cela nous allons commencer par parler d’un sujet qui provoque toujours un mouvement de recul : la mort.
La peur de la mort
La mort est sans doute la plus grande peur que nous avons à affronter en tant qu’être humain.
Notre première prise de conscience de notre mortalité intervient avant les 10 ans. Je me souviens avoir eu des insomnies quand j’avais 7-8 ans me posant des questions existentielles.
Prenant conscience que j’étais vivant, mais que cela ne serait pas éternel, qu’un jour j’allais disparaître.
J’en étais même arrivé à vérifier les battements de mon cœur - en plein milieu de la nuit - pour m’assurer que j’étais bien vivant.
La mort étant effrayante, nous n’avons jamais la bonne posture vis-à-vis d’elle.
Nous sommes tel un boxeur ne trouvant pas la bonne distance face à son adversaire.
Soit nous sommes trop éloignés.
La mort ne traverse jamais ou presque notre esprit comme ce fut le cas d’Ivan Ilitch. Nous vivons comme des immortels, comme si chaque journée que nous passions ici-bas nous était due.
La conséquence est que nous n’apprécions pas la valeur du temps et de la vie à sa juste mesure. Nous pensons que le temps est un buffet à volonté qui se désemplira jamais.
Ou nous vivons beaucoup trop proche de la pensée de la mort.
C’est le syndrome de l’hypocondriaque, convaincu que chaque petite maladie va le précipiter dans le tombeau des morts.
Cette posture tend à annihiler tout esprit d’initiative, à nous faire vivre de manière défensive.
Prenons l’épisode de la pandémie du Covid-19.
Lorsque celle-ci arriva en Europe, menant notamment au confinement de mars 2020, nous avons pu constater, l’effet que peut exercer l’idée de la mort sur la pensée et le comportement des gens.
Nous avons rapidement commencé à observer des comportements de défiance entre les concitoyens.
La mort qui nous paraissait loin avant ces événements, fut au cœur de l’actualité pendant des mois.
Les médias - sachant très bien ce qui attire l’attention de son audience - mettant en avant chaque jour le nombre de morts.
Ce qui fut d’autant plus intéressant durant cette période est le comportement que nous avons eu après les premières semaines, une fois que nous savions que le covid-19 ne mettait pas en danger de mort la majorité de la population.
Le rapport à cette maladie ne changea pas vraiment dans l’imaginaire collectif.
En effet, Ryan Holiday explique dans son livre Trust me I’m Lying que l’esprit humain n’est pas fait pour corriger un fait dès lors qu’il a intégré une première version de ces mêmes faits.
Il prend l’exemple des blogueurs qui font des fakes news. Même s’ils corrigent leurs articles, le mal est fait. La fake news devient la réalité dans la tête des lecteurs.
Ne voyait pas ici une analogie où je défends l’idée que le covid n’existait pas ou qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux.
Mon point est d’expliquer comment notre cerveau appréhende une information.
Or le covid fut présenté comme un virus extrêmement dangereux et nous avons vu par la suite ce que les gouvernements ont pu faire faire à leurs populations en ayant cette peur comme levier.
Autre exemple avec le conflit Russo-ukrainien. Lors des premiers jours, j’ai observé sur les réseaux sociaux des publications de personnes se demandant s’ils allaient devoir aller se battre si la guerre s’étendait au niveau mondial. Il y avait une peur, car la guerre étant associé à la mort.
J’avais le sentiment de voir des personnes qui n’avaient jamais été confrontées de leur vie à la mort et qui se réveillaient un jour, découvrant que celle-ci est pourtant le lot de chacun d’entre nous.
La raison en est simple, en France, la mort a toujours été médicalisée de notre vivant. Nous n’avons que très peu affaire à la mort. Contrairement à des cultures orientales qui vont montrer la mort et la célébrer. Chez nous la mort est cachée, taboue et malheureuse.
La quête d’immortalité est un autre phénomène qui veut beaucoup dire sur notre rapport à la mort mais aussi à la vie.
Les milliardaires américains comme les fondateurs de Google et leur ami Ray Kurzweill qui se démenent pour tuer la mort ne semblent pas saisir que sans la mort, il n’y a pas de vie.
La mort n’est pas un problème à résoudre. Elle est un cycle naturel de la vie.
Nous ne sommes que des petites particules, des chaînons faisant partie d’un grand Tout aussi bien à l’échelle de l’espace que du temps.
Il faut savoir laisser la place aux suivants, en leur léguant un savoir sur lesquels ils vont pouvoir continuer à faire avancer la conscience humaine.
Mon propre rapport à la mort fluctue.
Elle m’effraye parfois et à d’autres moments, elle est un guide, un moteur me poussant à vivre plus aligné et plus intensément.
Lorsque je sens que je suis en train de faire ce que j’aime faire ou ce que je suis censé faire, je ne ressens pas la peur de la mort.
Je n’ai pas l’impression de manquer de temps. Je me retrouve dans un état de flow. Le temps ralenti. Je me rapproche de l’éternité qui est comprise dans l’instant.
Chaque goutte qui coule de votre évier contient la complète composition de la molécule d’eau.
De même chaque journée, contient l’entièreté de ce qu’on appelle la vie.
Montaigne écrivit qu’il espérait que la mort le trouvera en train de planter des choux. Sous-entendant, que ce n’était pas une grande affaire pour lui.
Enfin, Sénéque dans son merveilleux traité sur le temps “De la brièveté de la vie” nous invite non pas à souhaiter en avoir plus mais à mieux utiliser celui que nous avons à disposition.
Il se trouve que l’idée de notre mort a aussi un autre effet. Celui de nous rendre égoïste.
Derren Brown partage une étude dans son livre Happy, qui démontre que nous sommes moins effrayés par la mort si nous savions que tout le monde allait mourir en même temps que nous.
Cette étude met en lumière un symptôme d’une tendance lourde : celle de l’individualisme qui devient de plus en plus la norme dans la culture Occidentale.
L’éthos individualiste
L’éthos de notre époque est l’individualisme.
Nous vivons dans une époque où la carrière, la réussite, l’épanouissement personnel sont les éléments les plus importants et valorisées en Occident (ce n’est pas le cas en Chine par exemple).
Je ne vois pas de problème à se sentir épanoui dans son existence.
Ce livre est d’ailleurs écrit dans l’optique d’aider les individus à être plus épanoui.
Le souci n’est pas l’intention mais le chemin que l’on emprunte pour s’épanouir en tant qu’individu.
Dans le livre La deuxième Montagne, David Brooks ouvre des pistes de réflexions pour nous aider à comprendre ce phénomène et ses conséquences.
Lorsque l’individualisme devient l’ethos outrancièrement dominant d’une civilisation – quand aucun autre ethos ne lui fait contrepoids – les individus qui la composent jouissent peut-être d’une liberté individuelle maximale, mais les liens entre eux commencent à se dissoudre. Le grand récit du « Je suis libre d’être moi-même » a cours depuis environ cinquante ans. Il s’est mué en culture de l’hyper-individualisme.
Cet hyper-individualisme est causé par de multiples facteurs. Le déclin de la religion a eu pour conséquence de fragiliser la famille nucléaire. Le divorce ne choque plus personne depuis longtemps, nous sommes une génération d’enfants élevés par des parents séparés.
Tout ce qui offrait un sentiment d’appartenance collective s’est érodé : religions, nations, communautés physiques.
Nous avons migré des campagnes aux villes. Ces villes qui sont de plus en plus peuplées sont paradoxalement constituées de plus de personnes se sentant seul chaque année. L’anonymat et la solitude sont le lot commun des grandes métropoles.
Enfin, nous pourrions ajouter, que nous sommes devenus avant tout des consommateurs, des portefeuilles sur pattes dépensant de l’argent et générant de la donnée monétisable pour les entreprises.
Tous ces éléments favorisent la culture de l’individualisme.
David Brooks définit l’hyper individualisme comme un :
Un système de morale, de sentiments, d’idées et de pratiques basés sur l’idée que la vie est un voyage individuel, dont les buts sont le bonheur individuel, l’authenticité, la réalisation de soi et l’autosuffisance.
Nous pouvons résumer cette idéologie en une question et une croyance.
La question centrale est : Que puis-je faire pour me rendre heureux ?
Le bonheur personnel passant avant l’intérêt du bien commun.
La croyance concerne la définition de la liberté qui devient absence totale de contraintes.
Or, nous le verrons plus tard, pour bâtir des liens forts, que ce soit à travers une amitié ou une communauté, l’engagement est nécessaire.
La liberté est à l’inverse le fait de pouvoir choisir ses contraintes. C’est ce qu’écrivait déjà Jean-Jacques Rousseau au 18eme siècle :
La liberté est le pouvoir de choisir nos propres chaînes.
C’est ainsi que nous pouvons observer une baisse de l’engagement que ce soit dans les relations de couple monogame qui tendent à évoluer vers divers types de relations dites “libres” ainsi qu’un mouvement “no child” où sous couvert de conscience écologique, des hommes et des femmes dans la vingtaine ou la trentaine disent ne pas vouloir d’enfants.
L’éthos individualiste a certainement beaucoup plus d’impact - sur leur pensée - que ce qu’ils osent dire (à eux-mêmes).
L’éthos faisant la part belle à l’individualisme est aussi le résultat d’une incapacité à (re)créer un projet collectif.
L’écologie semble être un moyen de redonner un sens et une quête commune à des groupes d’individus. Au moment où j’écris ces lignes, ce n’est pas encore le cas puisque le sujet tend plus à diviser qu’à rassembler.
Le besoin d’appartenance est naturel comme nous l’avons vu dans les principes précédents.
Les regroupements d’individus se basent soient sur un ennemi commun ou sur un ensemble de valeurs et d’intérêts partagés.
Il doit y avoir un mouvement dans la culture morale, un mouvement dans la définition de la bonne vie que les gens imaginent ensemble.
Chaque époque doit composer avec ses particularités.
Comme nous l’avons vu avec le principe #6 sur les “jeux de la vie”, il y a un équilibre subtil à trouver entre les pratiques intemporelles et celles qui sont propres à l’esprit de son temps.
Penser ce qu’est une bonne vie en cette première moitié de 21ème siècle nécessite donc de ne pas nier les valeurs du passé.
Il est souhaitable d’étudier les différentes ères nous ayant précédés pour en tirer le meilleur.
C’est pour cela que la sagesse des philosophes de l’antiquité gréco-romaine est précieuse. Elle doit être remise sur le devant de la scène à chaque génération.
Il faut réactualiser cette sagesse avec la réalité et la culture de son époque pour trouver ce que peut être une bonne vie au 21eme siècle.
En commençant par les individus puis à l’échelle du groupe.
Car in fine, nous devrions avoir pour objectif de nous entendre avec les autres et de vivre dans la paix, la compassion et l'harmonie.
Mais la raison pour laquelle nous devons continuer à rabâcher l'individualisme est que tant que l'auto-responsabilité n'est pas profondément acceptée, il ne peut y avoir de progrès vers une collaboration authentique.
Le "nous" ne pouvant être abordé de manière authentique que par ceux qui ont un sens mature du "je".
La notion d’individu est d’ailleurs mal comprise. Être un individu n’est pas la même chose qu’être individualiste.
Être un individu c’est une personnalité composée de valeurs, de multiples identités, d’intentions, d’une mission etc.
C’est l’inverse de l’homme par défaut qui est certainement individualiste mais qui n’a jamais tenté de s’individuer. Au contraire, il est un pur produit en série du conformisme social et intellectuel.
Voici ce que l’on doit attendre d’un individu selon David Brooks
Un individu, devenu une personne, a mis en route une rébellion. Il se rebelle contre l’ethos individualiste et tous les systèmes de l’impersonnalisme. La société lui dit de vivre dans une réalité matérialiste, mais il estime pour sa part vouloir vivre dans une réalité enchantée.
L’individu est celui qui se rebelle contre l’éthos, qui ose le remettre en cause, le questionner, quitte à l’accepter pleinement ou partiellement ensuite.
Maintenant que nous avons vu le problème de l’individualisme et de la confusion entre individuation et individualisme, nous allons analyser l’impact de notre utilisation du digital sur notre pensée et sur notre tendance à suivre certaines idéologies.
Un mauvais usage du digital entraînant isolement et glissements idéologiques
Une des discussions les plus éclairantes sur l’impact d’internet et des algorithmes fut avec un ami que l’on va appeler Jules.
Nous discutions chacun de l’évolution de notre pensée ces dernières années (philosophie de vie, idéologies, politique etc.) et nous en sommes arrivés à réfléchir à l’impact qu’a pu avoir Youtube sur celle-ci, étant tout deux de grands consommateurs de cette plateforme.
Nous en sommes arrivés à la conclusion suivante : en l’état (début des années 2020), tout homme cherchant des solutions pour se développer en tant qu’individu va être attiré tel un aimant vers du contenu idéologiquement conservateur et politiquement de droite (ou d’extrême droite selon d’où vous parlez).
C’est un fait, le développement personnel sur Youtube est monopolisé par des créateurs que l’on peut qualifier de “droite” et la consommation de ces contenus amène vers d’autres créateurs plus politisés et de plus en plus extrémistes.
Je ne vais pas juger de la qualité de ces contenus.
J’en consomme moi-même certains qui ont pu m’être utiles à certaines périodes de ma vie.
Le problème que nous avons soulevé avec Jules est l’inexistence de réel contrepoids de qualité pour offrir un choix et des perspectives plus vastes pour le jeune homme français en quête de sens.
J’ai mis beaucoup de temps avant de trouver des chaînes (bien plus confidentielles) qui m’aident à maintenir une hygiène de pensée et à exercer mon esprit critique.
Le risque étant autrement de sombrer dans ce que je vais appeler le tribalisme.
Ceci est un rappel des risques que nous encourons, à être dirigés par les algorithmes comme des chiens se faisant tirer en laisse par leur maître.
L’ère d’Internet est relativement récente. Nous devons apprendre à gérer la surabondance d’informations, à filtrer, à trier, à supprimer etc.
Or nous sommes encore loin d’y parvenir, pris d’assaut par l’évolution constante des technologies, des outils et des moyens toujours plus astucieux de manipuler notre attention et notre pensée.
Aussi, comme nous l’avons vu dans le principe #5 nous sommes devenus des marques, qu’on le veuille ou non.
Nous sommes à l’ère du follower qui prend le pas sur la réelle amitié.
On passe plus de temps à réfléchir à comment être bon sur les réseaux sociaux que ce soit dans une optique carriériste, de séduction, ou dans l’optique de capter l’attention et ainsi remplir la jarre vide de sens de nos existences.
Plus personne ne se pose la question de ce qu’est une bonne amitié ?
Mieux, comment être un bon ami ?
Comment sortir du monde digital et de nos centaines / milliers “d’amis” pour réapprendre à avoir des amitiés authentiques et profondes dans le monde physique ?
Internet offre pourtant la possibilité de ne plus subir son environnement mais de le choisir.
Le web regorge de communautés dans lesquels vous pourriez trouver vos futurs meilleurs amis partageant vos valeurs et vos centres d’intérêt.
Mais la tendance est tout autre.
Soit les “Stéphane” conservent un environnement qui ne leur convient pas. Mais ne sachant pas comment le rendre plus attrayant, ils utilisent la technologie pour maintenir les relations existantes (passant des heures chaque jour sur Instagram ou Messenger).
Ou, ils développent une animosité latente envers un ennemi (réel ou fictif) finissant par suivre le schéma décrit plus haut dans mon exemple avec Jules.
Il rentre dans la cave du tribalisme.
Le tribalisme est une régression de la conscience si l’on se base sur la spirale dynamique de la conscience de Ken Wilber.
C’est une réponse courante lorsqu’on rejette une situation ou lorsqu’une frustration personnelle se transforme en rancœur puis haine de l’autre.
Le tribalisme est le contenant dans lequel se développent les idéologies les plus dangereuses.
Selon Jordan Peterson :
Les idéologies sont de simples idées déguisées en vérités scientifiques ou philosophiques qui prétendent expliquer la complexité du monde et proposer des remèdes pour l’améliorer.
Elles tentent de simplifier l’existence et se présentent comme la réponse au problème auquel fait face le nouvel adepte.
Elles ont tendance à déresponsabiliser les individus en promettant une solution technique, économique ou sociale.
Et elles aiment mettre en avant un Homme providentiel. Le sauveur qui va changer notre vie, nous faisant passer des ténèbres à la lumière.
Le cas de la candidature de l’intellectuel Eric Zemmour aux élections présidentielles françaises de 2022 est un parfait symbole.
Ne jugeons pas le contenu de ses idées mais plutôt la forme de celles-ci.
Elles partent du constat qui est que le problème vient de “l’autre”.
Mais heureusement quelqu’un est là pour régler “mon problème”. Je n’ai donc qu’à patienter et soutenir cette personne.
Or la politique n’est pas de la magie.
Votre monde ne changerait pas du jour au lendemain avec l’arrivée d’un Homme providentielle.
Le tribalisme, c’est donc cette tendance à se regrouper derrière un homme providentiel et à s’opposer, en groupe, à un ennemi source de nos maux existentiels.
La conséquence de ce schéma tribal est l’isolement identitaire. On commence à polariser son identité et la réduire à une idéologie.
On retrouve le même phénomène avec le mouvement woke provenant des Etats-Unis. L’ennemi devient l’homme blanc hétérosexuel et le “patriarcat” qui serait la cause de tous les problèmes auxquels faces les dites “minorités”.
Encore une fois même constat, il est plus confortable de chercher le problème à l’extérieur qu’à l’intérieur de soi-même.
Néanmoins, je comprends très bien cette tendance quand nous vivons dans une société qui laisse croire que le “succès” peut s’obtenir rapidement, que tout le monde est “extraordinaire” et qui nous offre un confort jamais atteint (supermarché de la dopamine).
La confrontation au réel qui est nécessairement plus complexe et plus difficile ne peut qu’être déroutante.
De plus quand le futur semble toujours plus incertain et que les individus ont toutes les difficultés du monde à trouver un sens à leurs existences.
Heureusement nous allons proposer des solutions (et des pistes de réflexions) dans la deuxième partie du principe.
Mais avant cela, concluons cette première partie en revenant sur la notion d’héritage.
Conclusion : La fin des héritages
Si Stéphane n’a plus de perspective, ne trouve pas de sens à sa vie. Il va mécaniquement sombrer dans le nihilisme.
Celui mène au narcissisme qui à son tour conduit à l’individualisme.
Celui-ci qui ouvre la grande porte aux tribalismes, aux idéologiques simplificatrices et à la haine de l’autre.
Dans ces conditions, comment envisager de penser à un héritage.
Qu’il soit futur (le sien) ou passé (celui des autres).
L’héritage semble être la dernière des préoccupations de l’homme moderne.
Le dernier homme comme dirait Nietzsche.
Celui qui est bloqué entre sa condition d’animal est celle du surhomme qu’il n’arrive pas à atteindre.
Or, l’héritage est selon moi un synonyme de la mission personnelle dépassant le soi. Il est ce qui confère du sens à l’existence.
L’héritage c’est ce que nous allons transmettre à nos contemporains et nos descendants.
C’est le héros qui est de retour après un voyage transformateur. Il a combattu les dragons, il s’est rendu antifragile, il est devenu plus sage, plus authentique. Il est plein d’une richesse qu’il doit transmettre avant de s’éteindre.
Mais pour être ce héros qui vit avec et pour les autres, il faut être en mesure d’investir le temps long.
De s’engager, que ce soit dans un art, une vocation, une famille, une philosophie ou une communauté comme l’écrit David Brooks quand il décrit ce que l’on peut trouver sur la deuxième montagne de notre vie.
Pour produire et transmettre un héritage, il faut être prêt à sacrifier une partie de soi, à s’engager et à réduire ses options.
Mais aussi avoir quelqu’un à qui transmettre cet héritage, que ce soit un enfant, un groupe d’amis, une communauté, l’espèce humaine ou l’univers.
C’est certainement le meilleur remède contre la peur de la mort, ce qui permet d’apaiser la terreur que peut exercer notre finitude.
Nous verrons la semaine prochaine comment cultiver pour de bon notre jardin d’Epicure.
Mais aussi comment transmettre l’héritage que nous allons batir tout au long de notre progression sur le spectre de la vie intentionnelle.
À retenir de cette édition
Notre mort n’est rien selon Epicure, car nous la rencontrons jamais directement.
Faisons de la mort un guide et un moteur de vie.
Une bonne vie est une vie riche en relations, une vie vécue avec et pour les autres.
Ivan Ilitch a “réussi” dans la vie mais a “raté” sa vie
Notre vie s’inscrit dans un cycle éternel de recommencement, la mort fait partie de la vie.
Il faut s’échapper de l’éthos individualiste de notre époque.
Internet et les algorithmes nous poussent vers des contenus extrémistes.
Il faut être intentionnel et avoir des contrepoids de la pensée.
Les idéologies sont des simplifications de la réalité, il faut les croiser entre elles et ne pas être “l’homme d’une idéologie”.
Ne pas laisser d’héritage nous coupe d’une des plus belles sources de sens de l’existence humaine.
Je m’arrête ici pour cette semaine.
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Passez une bonne semaine et à lundi prochain !
JCK from Budapest 🇭🇺
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