Chaque lundi à 16h30, je vous propose des réflexions à l’intersection de l’entrepreneuriat et de la philosophie. Le but étant de se poser des questions, et apporter quelques pistes de réponses, pour mieux vivre, penser et travailler à notre époque.
J’en profite pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux abonnés. Vous pouvez en savoir plus sur moi ici ou consulter les anciennes éditions.
Bonjour à tous,
Toujours en direct d’Istanbul. J’ai trouvé un rythme, un quartier et un appartement qui me conviennent à merveille.
La semaine dernière, j’ai passé du temps à bien définir ma journée idéale en ce moment. Puis j’ai fait en sorte de m’y tenir au maximum.
C’est l’éternel dilemme entre vie composée de routines et laisser plus de place à la spontanéité. Me concernant, je me rends compte qu’une vie intentionnelle, saine et plus épanouissante passe par une journée idéale bien définie.
J’ai aussi repris la course à pied après 1 mois de pause. Courir le long du Bosphore tôt le matin (avant 7h) procure beaucoup de plaisir (vue, calme) et la satisfaction personnelle de commencer la journée avec une activité bonne pour sa santé.
Enfin, je continue “l’expérience Linkedin”. J’ai publié un post chaque matin du lundi au vendredi depuis 4 semaines. Je vais poursuivre dans les prochaines semaines.
Cette confrontation au réel m’apporte beaucoup d’idées et génère des réflexions intéressantes pour mes écrits actuels et mes projets futurs.
Me suivre sur Linkedin avec ce lien pour recevoir mes posts chaque matin.
Place au programme de la semaine :
Essai sur la place et l’importance de l’esprit critique pour mieux vivre à notre époque
Contexte
Mon avis personnel
8 manières de développer votre esprit critique
Bonus : Le courage nécessaire pour suivre ce chemin
C’est parti !
Essai sur la place et l’importance de l’esprit critique pour mieux vivre à notre époque.
Contexte
Je suis depuis longtemps intéressé par la capacité à bien raisonner.
Mon premier rapport avec la pensée rationnelle et logique remonte à mes années poker, entre 16 et 23 ans.
Au poker, pour progresser, il est courant d’analyser “une main” que l’on a jouée. Pour cela, on va décomposer chacune de nos décisions dans un coup ainsi que les raisons qui nous ont poussés à les prendre.
C’est ce que l’on appelle le thinking process. La pratique régulière de cet exercice nous aide à voir si nos raisonnements tiennent la route ou non.
Maintenant que je m’intéresse de près à la philosophie.
Je peux encore mieux apprécier à quel point la raison (logos chez les Grecs anciens) a permis à l’homme de se développer.
La capacité à bien penser, à raisonner correctement permet aussi à l’individu de :
mieux se connaître
remonter aux sources des problèmes
se situer dans son environnement et le comprendre
Mon point de vue sur l’esprit critique à notre époque
Mieux penser pour mieux vivre comme dit André Comte Sponville.
C’est d’ailleurs ainsi que je vois ma pratique personnelle de la philosophie.
Je cherche à apprendre à mieux vivre. Car je ne pense pas que ce soit naturel. En tout cas rien ne me l’indique dans mon rapport au monde et à moi-même.
La pensée est mon outil pour explorer les pistes me permettant d’espérer mieux vivre. Mon corps étant ensuite mon véhicule pour les expérimenter.
Mais il y a un problème.
Il est de plus en plus difficile de penser correctement depuis quelques décennies.
Nous vivons dans un monde que certains appellent “la post-vérité”. Un monde ou le nihilisme et le relativisme gagne du terrain chaque année.
Mais ne rejetons pas toute la faute sur le web. Nous n’avons pas eu besoin des réseaux sociaux et de ses cousins digitaux pour plonger dans cette direction.
Il suffit de lire le constat que faisaient des philosophes comme Nieztsche ou Thoreau il y a 150 ans.
Néanmoins le web et le digital ont amplifié cette tendance.
Nous assistons depuis quelques années à une chute libre de la nuance.
Tout article, post sur un réseau social, débat télévisé est orienté de manière à être clivant.
Tout le monde pense avoir raison, semble vouloir battre son opposant sur le terrain des idées. Imposer son idéologie ou ne surtout pas écouter l’autre.
Tenter de réfléchir à deux, en équipe est devenu presque épidermique pour certains.
On préfère clasher, “cancel”, discréditer.
Ou dans un autre registre, on prend pour argent comptant ce qui est dit par certaines autorités sans faire passer l’information par la moulinette de la raison humaine.
Bref, c’est la mort à petit feu de l’esprit critique.
Le but n’est plus de bien penser mais d’imposer sa pensée.
La raison s’incline face à la bien-pensance.
La thèse s’est débarrassée de l’antithèse et n’a rien à faire de la synthèse.
Prenons le temps de définir l’esprit critique pour être sûr de parler de la même chose vous et moi.
Esprit critique : Attitude intellectuelle qui consiste à n'accepter pour vraie ou réelle aucune affirmation ou information sans l'examiner attentivement au moyen de la raison, sans se documenter à son sujet et sans la soumettre à l'épreuve de la démonstration.
Dans un monde qui ne fait que s’accélérer - comme un TGV dévalant une pente sans frein ni chauffeur - cela semble inactuel de faire l’effort d’user de son esprit critique.
De même pour l’honnêteté intellectuelle et la nuance. Celles-ci ne semblent ne pas toujours être la meilleure stratégie pour réussir dans les “jeux” de notre société : business, politique, réseaux sociaux etc.
Mais il y a un coût à ne pas vouloir “mieux penser” et aiguiser son esprit critique.
Je pense que nous l’avons tous constaté de nos yeux ces deux dernières années entre les événements autour du Covid puis maintenant avec la guerre en Ukraine.
J’ai personnellement été très marqué par ce que j’ai vu autour de moi depuis 2020.
Entre le traitement de ces affaires, les réactions individuelles et collectives (de tous les côtés du spectre des points de vue).
J’avais l’impression de vivre dans un monde fou où la raison avait disparu et le débat construit était devenu impossible. Je dirai même qu’il n’était pas souhaité.
Le simple fait de se questionner semble être punissable et oblige de nombreuses personnes à se censurer. À finir par se mentir à elle-même. Et donc, à ne plus savoir qui elles sont, ce qu’elles pensent vraiment.
Voilà pour mon constat concernant l’esprit critique actuel.
Maintenant, laissez-moi vous partager une liste de 8 conseils (publié initialement sur Linkedin) permettant de cultiver notre esprit critique.
Nous en avons définitivement besoin pour mieux vivre en tant qu’individu et société.
J’ai laissé la “forme Linkedin”, ne soyez pas surpris de la mise en page.
8 façons de développer notre esprit critique
1) Être humble et partir du principe que l’on ne sait pas.
Prendre la posture Socratique. Accepter de ne pas savoir.
Combiner avec le doute cartésien.
Toute connaissance nécessite la capacité à remettre en doute, ses croyances, ses jugements.
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2) Consommer des contenus longs.
Je sais ce n’est pas dans l'air du temps...
Mais pour apprendre à penser. Il faut comprendre comment se construit une pensée.
Un livre, un "Thinkerview", un débat exploratoire de 3h.
Faire des Tik Tok pas de soucis.
Mais consommons des contenus longs, au moins de temps en temps.
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3) Etre vigilant avec les médias dominants / de masse.
Si vous lisez ce post, vous êtes sans doute de la "génération internet".
Vous avez pu constater depuis quelques années.
Il y a une dissonance entre ce que les informations que l'on trouve sur Internet et à la télé.
Consommez ces médias avec modération. Faites-le pour détecter les incohérences, les sophismes.
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4) Toujours essayez de comprendre d’où parle l'autre.
C'est un principe essentiel pour comprendre l'autre. Il faut contextualiser sa pensée.
Ses intérêts, ses déterminismes, ses peurs, ses choix.
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5) Casser nos bulles algorithmiques.
Nous vivons tous dans une bulle. Exacerbée par les réseaux sociaux.
On finit par croire que le monde nous ressemble. Que les gens pensent comme nous.
On devient intolérant à la contradiction. On se sent offensé pour un rien.
Il faut essayer d'en sortir en lisant les livres de nos "opposants".
Consulter leurs contenus, comprendre leurs idées.
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6) Devenir un détecteur à sophismes.
Comprendre les rouages de la rhétorique (cc Victor Ferry).
Être capable de détecter le bon argument de l'argument fallacieux (sophisme).
Une bonne raison de regarder (parfois) la télé.
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7) Avoir un "safe space" pour dialoguer.
Je ne parle pas des "safes spaces" des universités américaines ...
On va chercher une personne ou un groupe d'amis. Avec qui pratiquer le dialogue exploratoire.
C'est un espace où l'on s'autorise à développer des idées. Pousser nos réflexions ensemble sans se juger.
C'est un espace de liberté d'expression et d'exploration intellectuelle.
Le but est de se rapprocher ensemble de la vérité.
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8) Ecrire, écrire, écrire.
Le dialogue fait naître les idées. L'écriture va les clarifier.
Une pensée complexe se développe grâce à l'écriture.
Écrivez pour réfléchir aux questions qui vous importent, émettre des opinions, créer des arguments.
Écrire permet d'apprendre à penser.
Conseil bonus : Avoir du courage.
Il faut être sacrément courageux pour oser (se) questionner certaines choses dans nos vies personnelles et citoyennes.
L’étonnement, le doute est la première qualité d’un philosophe.
Descartes en a même fait la première étape de sa célèbre “méthode” pour accéder à la connaissance et la vérité.
Se questionner c’est se permettre de mieux vivre.
Mais c’est aussi emmerder certains qui aimeraient que vous ne pensiez pas.
Ce n’est pas anodin que la société soit construite sur un modèle ne valorisant pas cette qualité.
N’oublions jamais que Socrate est mort à cause et pour ces idées.
Pour avoir osé “s’étonner”, se questionner et questionner ses contemporains.
Il y a ceux qui jouent avec la vérité et ceux qui essayent de s’en rapprocher.
C’est l’éternelle bataille qui débuta en Grèce Antique entre les philosophes et les sophistes.
Les sophistes sont nos guides pour réussir dans la vie. Peu importe la manière.
Les philosophes sont là pour nous aidaient à mieux vivre notre vie.
Ce n’est pas la même chose.
Le premier chemin est une quête tournée vers l’extérieur. Le résultat est rarement celui escompté.
La seconde est une quête interne. Moins de gratifications publiques, mais une estime de soi plus grande, un meilleur caractère et une vie plus riche de sens.
L’esprit critique est un choix. Pas le plus facile. Mais le plus important.
On s’arrête ici pour cette édition numéro 173.
Comme chaque semaine, je vous encourage à me dire ce que vous en avez pensé.
Vous pouvez m’écrire en répondant directement à ce mail, à jeancharleskurdali@gmail.com ou sur Linkedin si vous préférez.
C’est toujours un plaisir de vous lire, d’entamer des correspondances et parfois des amitiés.
Passez une bonne semaine.
JCK from Istanbul 🇹🇷